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PortraitSystème D – Nika Schmitt, artiste sonore … et bien plus encore

Portrait / Système D – Nika Schmitt, artiste sonore … et bien plus encore
„La plupart des systèmes que je construis ont l’air de faire quelque chose, mais au fond, ils ne font rien, rien au sens industriel du terme“, explique Nika Schmitt  Foto: Editpress/Hervé Montaigu

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Nika Schmitt s’envolera en septembre pour quatre mois de résidence à New York. Cette créatrice d’installations ludiques et intrigantes espère que l’année 2023 lui fera franchir un nouveau cap.

„Je suis depuis longtemps fasciné par la manière dont on perçoit l’espace et dont les sens fonctionnent. Ce fut mon point de départ. Plus tard, c’est devenu une attention à la manière dont un système nous fait comprendre et percevoir.“ L’art est entré tôt dans la vie de Nika Schmitt, par la peinture et la scuplture. Mais c’est lors de sa licence à Maastricht, qu’elle a commencé à bricoler des machines et à travailler sur les rapports entre le son et l’architecture, par des installations qui s’intègrent à l’espace qui les abrite. Au départ, c’est la répétition et son influence sur la perception du temps et de l’espace, puis ce fut le changement et les effets d’un changement, même infime, dans la répétition, qui l’ont intéressée.

Cet intérêt pour la technique est sans doute un héritage familial, d’un père fabricant de luminaires bien connu dans sa ville natale de Gonderange. Il l’a beaucoup aidée au début. Il l’aide encore quand, à force de tentatives, la phase de test commence à devenir trop coûteuse. Ce risque d’être le cas pour son prochain projet, pour une exposition à Berlin, pour lequel elle s’entête à vouloir créer un système en mouvement perpétuel, irréalisable espoir des ingénieurs et ingénieux depuis l’Antiquité. C’est son „travail de Sisyphe“. Ça ne l’intéresse pas d’y arriver, mais bien plutôt de se documenter sur la question, de trouver des solutions intermédiaires et de voir quelles machines en sortiront.

Nika Schmitt est étiquetée artiste sonore, mais la dénomination est réductrice. Elle est le résultat d’un concours qu’elle a remporté à la fin de son bachelor, avant son master en art et science à Den Haag. „Je travaille avec tous les sens“, fait-elle remarquer, „le son a la plus grande part, il aide à percevoir, mais c’est souvent dans mes œuvres un produit secondaire, la conséquence d’un processus“. Ce n’est donc pas une création à part entière, dont il faudrait soigner l’amplification. Depuis novembre dernier, les habitués des Rotondes ont pu se faire une idée d’une machine estampillée Nika Schmitt. Un pendule lumineux, alimenté par un panneau solaire, s’allumait en réaction au son, puis se balançait grâce à l’électricité produite, puis s’éloignait du panneau solaire et de l’enceinte produisant le son, stoppant la production d’électricité, relancée lorsque le pendule reviendrait au centre. Il y avait une touche environnementale, même si l’artiste ne se pense pas comme engagée. „J’ai volontiers des discussions sur le sujet, je m’informe. En ce moment, je joue avec le concept de crise énergétique, et avec la transformation d’une énergie à la prochaine, c’est une approche philosophique.“ Tout juste démontée, l’installation dénommée „Sweet Zenith“ est partie pour être exposée à Rotterdam. 

Humeur joueuse

„L’humeur joue un grand rôle. C’est un jeu, j’assemble des choses, observe ce qui se passe et de la mène une réflexion. Je ne commence pas toujours avec un concept profond. Je fabrique, je réfléchis, il y a là aussi une sorte de cycle entre penser et faire“, dit-elle. Ses systèmes peuvent déclencher des discussions sérieuses autant que les rires. Ils flirtent parfois avec le dadaïsme. „La plupart des systèmes que je construis ont l’air de faire quelque chose, mais au fond, ils ne font rien, rien au sens industriel du terme.“ D’ailleurs, lors d’une résidence à Montevideo, elle s’est confrontée à cette notion du rien chère au mouvement Dada, „dans quelle mesure ne rien faire a à voir avec une intention.“ Elle ne parle pas de ready-made, mais bien de slapstick effect, et de happy accident, qui intègrent le hasard au parcours créatif. Elle réfléchit aussi à des sculptures à usage unique, qui une fois déclenchées courent à la destruction, comme ces objets roulants qui se délitent dont elle apprécie l’effet comique. Cela nourrit sa volonté de diversifier les formats, de passer aussi à des maquettes, comme elle en fait pour ses installations, plus petites et mieux vendables que ces dernières. 

Je travaille avec tous les sens. Le son a la plus grande part, il aide à percevoir, mais c’est souvent dans mes œuvres un produit secondaire, la conséquence d’un processus.

Nika Schmitt, artiste sonore

C’est avec toutes ces compétences et ces outils qu’elle s’envolera en septembre à New York pour une résidence de quatre mois, en tant que lauréate du prix „Edward Steichen Luxembourg Resident“. Elle partira sans concept clair en tête. „Chaque résidence comporte cette dimension que tu es face à un nouvel environnement, tu dois regarder ce que tu peux faire, conceptuellement et techniquement, trouver de nouvelles sources.“ Au Sénégal, elle avait à la fois transformé les mouvements de la voiture sur les routes cahoteuses en sons, et cartographié, par petits bouts, la ville avec des titres comme „Entrer dans un rond-point“ auxquels elle associait un son. À Dakar, elle a apprécié la large part laissée à l’improvisation et à la débrouille. L’ambiance sonore était tellement élevée sur place que pour le projet suivant, elle a renoncé au son et préféré intervenir visuellement dans l’espace public en faisant circuler des calebasses coupées en deux et collées à l’envers et animées d’un moteur qui venait se mêler à la foule, au plus grand étonnement de cette dernière. Plus tard, c’est avec des conteneurs d’eau en plastique qu’elle avait restitué sa recherche à Bonn. 

Nika Schmitt se laisse entraîner par des éléments subjectifs de ses expériences quotidiennes. Elle cherche à les traduire dans les systèmes. C’est ainsi qu’après avoir constaté que le son se réverberait différemment selon l’endroit d’un rond-point de Dakar entouré de résidences d’habitations, où l’on se trouve, elle a décidé de transposer la même expérience à l’Annexe 22 à Esch-sur-Alzette, en utilisant des satellites et des bols retournés, dont les surfaces changeaient les fréquences sonores. De New York, elle sait surtout, à son plus grand bonheur, qu’elle va travailler dans un autre atelier, à côté d’autres artistes qui viennent de partout et qui ont le contexte de la ville pour sujet. „Je suis intéressée par ce qui fait la différence entre le langage que j’utilise dans le son et visuellement, ici par rapport à là-bas.“ 

L’artiste de 30 ans aimerait que le développement intensif qu’elle pourra y mener, loin des distractions, fasse entrer son travail dans une nouvelle dimension. Elle a trouvé son équilibre créatif entre l’art sonore, la ligne de vêtements développée avec deux autres artistes et un groupe de musique expérimentale, Otomax, auquel elle appartient depuis 2016. D’ici là, Nika Schmitt sera aussi exposée à Berlin, où elle créera une installation dans des réservoirs d’eau vides du Prenzlauer Berg, et à Timisoara, Capitale européenne de la culture 2023. Quant à l’année 2024, elle devrait être celle d’une plus grande présence au Luxembourg, où elle va rapatrier sa société artistique.