James Mc Neill Whistler a eu l’occasion de vivre une grande partie de son enfance en Russie, son père, officier du génie militaire, étant requis à Moscou pour la construction du chemin de fer. Il y reçoit une éducation artistique. De retour dans son pays natal, il le quitte en 1855 pour Paris, où il s’inscrit dans l’atelier de Charles Gleyre. Il se lie d’amitié avec Fantin-Latour et Alphonse Legros, avec lesquels il fonde le „Groupe des trois“. C’est aussi l’époque où Monet, Renoir, Sisley, Bazille, préparent leurs concours pour entrer à l’École des beaux-arts. Il approche également Manet et Baudelaire. Cette période durera à peu près quatre ans. L’artiste s’installera ensuite à Londres, en gardant des liens privilégiés avec Paris où il reviendra se fixer en 1884. Il retournera à Londres en 1896, après la mort de sa femme.
Whistler se verra fortement influencé dans ses débuts par le réalisme de Courbet, qui l’encourage, lorsque son œuvre „Jeune fille en blanc“ (1862) est refusée la première fois par la Royal Academy de Londres, en 1862, et par le Salon parisien de 1863. Cette œuvre sera exposée au „Salon des refusés“ et côtoiera le „Déjeuner sur l’herbe“ de Manet.
Ode à la couleur et à l’esthétisme
Plusieurs chefs-d’œuvre sont ici présents, dont trois grands portraits, des pastels, des estampes à sujets vénitiens. Et l’on voit comment Whistler a pris le large en s’ouvrant à l’art japonais et en se passionnant pour le colorisme. Il abandonne la peinture dite académique, avec audace joue des aplats et des figures dépouillées de toute anecdote. La lumière, et la couleur dans sa transparence, sa délicatesse, ouvrent de manière le champ de la peinture. Extrême raffinement des couleurs et variation des tons. De pures harmonies déclinées subtilement. Whistler joue de la palette d’une couleur jusque dans ses infimes nuances. Ainsi en est-il, par exemple, de „Symphony in Flesh Colour and Pink: Portrait of Mrs. Frances Leyland“ (1871–74, huile sur toile), une ode à l’harmonie, à l’ornementation dans son extrême simplicité: des fleurs, traitées à la manière japonaise, à la gauche du tableau, viennent se répéter comme à l’infini, de point en point, sur la robe.
Le modèle de dos, prétexte à cette peinture délicate, tourne le visage de notre côté, et c’est là également un écart, le contre-courant du portrait en pied, qui en fait aussi sa modernité. La variation dans les teintes ira à l’extrême opposé, dans une simplification proche de Velasquez, pour „Arrangement en brun et noir: portrait de Miss Rosa Corder“ (1876-1878, huile sur toile). Un profil altier, un portrait en pied, décliné en teintes sombres, donnant à l’austérité la grâce d’un nuancier profond. Et si la psychologie du personnage doit rejaillir, elle le doit à la mise en place, à la silhouette, au caractère du visage, plongés dans un décor simple. Cet environnement dépouillé donne du relief à la figure, et l’on ne peut qu’admirer „Arrangement en gris et noir n° 1, ou la mère de l’artiste“ (1871, huile sur toile), où, toujours de profil, à la manière d’une effigie, dans une position à la fois réaliste et symbolique, la silhouette noire de la mère, éclairée par une coiffe blanche, semble là pour l’éternité. Une tenture aux motifs floraux japonais, habilement fluide, vient en contrepoint, comme le tableau accroché au mur offre un lointain à cet espace clos, où la figure hiératique et douce de la mère est posée.
L’extrême raffinement des couleurs est l’une des préoccupations importantes de l’artiste, ce qui lui permet, après en avoir subi les influences, de s’éloigner, comme nous l’avons dit, du réalisme de Courbet, mais aussi de l’impressionnisme et des préraphaélites, trouvant un style qui lui est propre, un univers dominé par l’esthétisme. Ses gravures et estampes méritent d’être redécouvertes, c’en est ici l’occasion.
Information
James Mc Neill Whistler (1834-1903): Chefs-d’œuvre de la Frick Collection, New York
Jusqu’au 8 mai 2022
Musée d’Orsay
www.musee-orsay.fr
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können