La Fabuloserie se situe dans l’Yonne. Elle accueille les plus humbles. Souvenons-nous que pour différencier cet art particulier de l’art populaire ou naïf, Jean Dubuffet a inventé le terme d’„art brut“. Pour la création de la Fabuloserie, Alain et Caroline Bourbonnais, à l’origine de ce magnifique projet, pour différencier leurs collections, optèrent avec Jean Dubuffet pour l’appellation d’art „hors les normes“. Là où Dubuffet aimait les œuvres introverties et médiumniques, Alain Bourbonnais préférait les œuvres jubilatoires, singulières, truculentes. Il ne s’agissait plus seulement de l’art des fous ou des marginaux, mais de l’art de tout un chacun, sitôt qu’il désire s’exprimer et qu’il propose un univers personnel.
Alain Bourbonnais (1925-1988), architecte et artiste, et son épouse Caroline Bourbonnais (décédée en 2014), ont acheté une maison à la campagne, dans l’Yonne, en 1960. Le week-end, Alain Bourbonnais créait ses Turbulents, des géants animés, semblables à des figures de carnaval ou de fête foraine, faits à partir d’objets récupérés dans des décharges. Dans ces années, il y avait parfois dans les bistrots de campagne des objets insolites. Alain et Caroline Bourbonnais demandaient aux propriétaires des cafés, qui les avaient faits, s’il y avait dans la région des peintres ou des personnes qui concevaient des objets qu’on ne voyait nulle part ailleurs. Les cafés sont devenus le point de chute de leurs tournées de campagne et, grâce aux renseignements qu’ils obtenaient, ils ont pu faire des découvertes inouïes, rencontrer nombre de créateurs qui œuvraient pour le plaisir, passer le temps, ou par nécessité.
Sublimation du quotidien
C’est ainsi qu’Alain et Caroline Bourbonnais se sont mis à collectionner de l’art brut. Le couple a d’abord ouvert une galerie dans les années 1970, l’Atelier Jacob, à Paris. La galerie s’est révélée trop petite pour accueillir toutes les œuvres. En 1983, les granges de leur maison de campagne leur ont permis de créer la Fabuloserie. Un monde fait d’œuvres coups de cœur, les créateurs étant des maçons, des agriculteurs, des potiers. Depuis, l’art brut a fait son chemin et connaît un certain engouement. Caroline et Alain Bourbonnais ont été des pionniers dans cette aventure.
Cette exposition reste fidèle à l’esprit de La Fabuloserie, qui fête donc ses quarante ans. Nombre d’artistes sont présentés. Nous y découvrons des univers fascinants. Parmi eux, Paul Amar (1919-2017). Né à Alger, il est chauffeur de taxi. Lors d’un séjour en Vendée, Paul Amar découvre des objets souvenirs faits de coquillages. C’est là qu’il entreprend de vastes compositions à l’aide de coquillages, qui nécessiteront des heures incalculables de travail, aquarium, synagogue, théâtre. Les œuvres miroitent de beauté, faites à partir de si peu, elles se révèlent d’une richesse incroyable. Puis, il y a l’œuvre féroce de Francis Marshall. Né en Normandie en 1946, professeur de dessin, il crée des œuvres à partir de collants et de bourre de matelas. Ce sont des scènes extraordinaires, comme „La vie de Mauricette“. Les personnages, Mauricette, son grand-père, ancien combattant, avec médaille et béquilles, les parents de Mauricette, sont ligotés sur leurs chaises. La scène est à échelle humaine. Mauricette, pour Marshall, incarne le trouble de l’adolescence qui se vit à la campagne, dans un univers âpre.
Il serait fastidieux de nommer tous les artistes et de passer en revue leurs œuvres. Autant aller à la Halle Saint-Pierre et découvrir cet univers onirique, où les limites académiques sont franchies pour notre plus grand bien. Sublimation du quotidien par un art hors les normes, humble et magnifique à la fois.
Info
Jusqu’au 25 août 2023
Halle Saint-Pierre
2, rue Ronsard
75008 Paris
www.hallesaintpierre.org
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