Le photographe néerlandais Erwin Olaf et l’artiste plasticien belge, Hans Op de Beeck, connaissaient et considéraient le travail l’un de l’autre, sans jamais s’être vus et encore moins avoir collaboré. C’est au conservateur des collections beaux-arts du Musée national d’histoire et d’art (MNHA), Ruud Priem, que l’on doit leur rencontre autour d’Edward Steichen. Avant d’arriver à Luxembourg à l’été 2020, Ruud Priem était en poste à Bruges et avait en tête d’y organiser une exposition monographique d’Erwin Olaf, avec lequel il était en contact.
Au MNHA, il n’arrivait pas en terrain vierge. Le musée avait déjà tissé des liens avec le photographe néerlandais, en achetant en 2015 un de ses clichés exposé à l’occasion du mois européen de la photographie. Lorsque Erwin Olaf reprend contact à la fin de l’année 2020 avec lui et lui parle de sa dernière série „Im Wald“, Ruud Priem pense aux ambiances des photographies d’Edward Steichen. Après une série baptisée „Palm Springs“ qui documentait la situation des laissés-pour-compte du progrès urbain, Erwin Olaf est retourné à la nature, à la faveur d’une sortie en Bavière. Saisi par la puissance silencieuse de la nature qui contraste avec l’agitation des humains qui la dégradent, il décide alors de troquer les voyages dans le temps et les décorations pour des mises en scènes dans des paysages qui ne portent pas la marque de l’homme. Il recourt au noir et blanc pour mieux exprimer la force brute des lieux qu’il explore.
Images fictionnelles
À vrai dire, Erwin Olaf pense plutôt aux peintres romantiques allemands du XIXe siècle quand il prend les photos de cette série. Ainsi, l’impressionnante „Im Waterfall“ (ci-dessus) est directement inspiré par „Swimming“ peint en 1885 par Thomas Eakins. Mais il est vrai que le rapport à la nature et ses mystères, le travail sur la lumière font penser aux premières images du photographe luxembourgeois, natif de Bivange et parti aux Etats-Unis à l’âge de deux ans avec ses parents.
En voyant les photos de celui que le directeur du Riijksmuseum d’Amsterdam considère comme „un des photographes les plus importants du dernier quart du 20e siècle“, on pense à des peintures. C’est tout l’art du photographe d’attendre le bon moment pour y parvenir, dit-il. Un garçon immortalisé sur un rocher, autre cliché prégnant de cette exposition de 37 œuvres, n’a été entouré que durant quinze minutes d’une épaisse brume qui donne son caractère mystérieux à la photo.
Edward Steichen est considéré comme le „premier photographe à utiliser son appareil comme un pinceau“, dixit Ruud Priem. Hans Op de Beeck fait aussi de la photo, mais c’est surtout pour ses sculptures grises qu’il est connu. Ruud Priem a jugé judicieux de montrer quelques exemplaires de ces dernières, mais aussi ses grandes aquarelles, réalisées la nuit et décrivant des places nocturnes mystérieuses. Hans Op de Beeck y fait voir qu’il est un contemplatif qui aime observer les interactions entre les êtres humains et la nature. Ses aquarelles doivent être de „chauds enlacements“ et former une „oasis mentale de tranquillité“. Cela correspond bien à l’exposition „Inspired by Steichen“ dans son ensemble.
Hans Op de Beeck comme Erwin Olaf proposent des images fictionnelles qui doivent stimuler l’imagination et susciter la rêverie. Les grands formats de leurs œuvres y aident, mais ils tranchent avec les photos aux formats bien plus modestes d’Edward Steichen. Ainsi, les murs accueillent par endroits des agrandissements de ces photos, sans réussir à ce que le travail d’Edward Steichen ne soit pas écrasé par les deux hôtes du musée. Le MNHA a pioché dans son fonds de 222 photographies (dont 48 appartiennent à la photothèque de la ville de Luxembourg). Il est habitué à les montrer par cycle de 20 dans son „cabinet Steichen“. Et c’est dans ce cadre que Hans Op de Beeck et Erwin Olaf collaboreront une nouvelle fois en mars 2023, en se faisant les curateurs de cette exposition permanente, mais changeante, en y exposant les photos qu’ils veulent partager avec le public.
Ces efforts, réalisés dans le cadre du 50e anniversaire de la mort d’Edward Steichen en 2023, rappellent que celui-ci est toujours une source d’inspiration cent ans après la prise de ses photographies. Cela démontre „l’importance de continuer à collectionner et à montrer des œuvres“, souligne à juste titre Ruud Priem.
Infos
L’exposition „Inspired by Steichen“ se tient jusqu’au 11 juin 2023. On peut y accéder du mardi au dimanche de 10 h à 18 h (jusqu’à 20 h les jeudis). A noter que le MNHA vient d’éditer (aux éditions Silvana) l’ouvrage „Edward Steichen. The Luxembourg Bequest“, qui passe en revue les 178 images du photographe qui lui ont été léguées en 1985. Il est vendu 60 euros et est disponible notamment au shop du MNHA.
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können