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ExpoAh, les femmes du siècle dernier: „Pionnières“ au Musée du Luxembourg

Expo / Ah, les femmes du siècle dernier: „Pionnières“ au Musée du Luxembourg
Claude Cahun, „Autoportrait“, 1929 Claude Cahun, „Autoportrait“, 1929

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A un moment de notre histoire où le débat sur le genre s’ouvre et qu’il est question d’accueillir les minorités, de leur donner la place visible dont elles ont besoin, l’exposition „Pionnières“, outre le fait de redonner un contexte parisien aux femmes artistes des années 1920, s’attarde sur la question du genre et du transgenre, faisant effectivement de cette époque celle d’une avant-garde.

La transformation de la société passe par la Grande Guerre et l’entrée des femmes dans le monde du travail, là où les hommes, partis combattre, manquent. Ainsi se trouve remis en question le modèle patriarcal. Engagées volontaires comme infirmières, mais aussi ouvrières dans les usines, médecins, les femmes abordent de front leur époque. La solidarité et la philanthropie sont de mise.

Puis, dans l’après-guerre, conservatisme et liberté coexistent de manière paradoxale. Ainsi l’avortement est puni, le suffrage féminin refusé. La Révolution russe d’octobre 1917 et le traité de Versailles de 1919 dessinent de nouvelles frontières et obligent des populations à se déplacer.

De nombreuses femmes artistes arrivent à Paris, en quête d’indépendance. Parmi elles, des Américaines, qui fuient la prohibition et le racisme. Hommes et femmes sont à la recherche de liberté culturelle et sexuelle, ce qu’ils trouveront avant la crise économique de 1929. Il s’agit là d’une période extrêmement féconde, ouverte sur des audaces aussi bien artistiques que sociétales.

Mais nombre de femmes artistes, connues dans ces temps, ont été effacées par l’histoire. Cette exposition leur redonne leur place et montre à quel point elles étaient des pionnières. 45 artistes sont présentées, parmi elles des figures iconiques comme Tamara de Lempicka, Marie Laurencin, Suzanne Valadon, Natalia Gontcharova, Claude Cahun. Pour des arts divers comme la peinture, la sculpture, le cinéma, la production d’objets textiles.

Certaines de ces artistes, notamment la Brésilienne Tarsila Do Amaral, l’Indienne Amrita Sher-Gil, la Chinoise Pan Yuliang, exporteront dans leurs pays l’idée de modernité, en même temps que leur art.

Une formidable perspective d’affranchissement

Pour ces femmes, Paris, en particulier le Quartier latin, Montparnasse ou Montmartre, leur permettent des initiatives, comme celles d’ouvrir des librairies, ce que feront Adrienne Monnier et Sylvia Beach, avec respectivement, rue de l’Odéon, La Maison des Amis des livres, et la célèbre Shakespeare and Company, lieux phares de la création littéraire – Sylvia Beach publiera le premier ouvrage de Beckett.

Quant à Marie Vassilieff, elle fonde en 1910 l’Académie russe pour les artistes non francophones, qui deviendra en 1912 l’Académie Vassilieff. Marie Laurencin, avec Fernand Léger, enseigne à l’Académie moderne à partir de 1924. Cette école est un des lieux de diffusion de l’abstraction auprès d’élèves venus du monde entier.

Le roman et le cinéma sont également des espaces d’expérimentation. Les femmes échappent aux codes vestimentaires, c’est la mode „garçonne“. Les corsets sont abandonnés au profit de robes larges, les cheveux raccourcissent. Dans les arts plastiques, l’idéal féminin disparaît au profit d’une représentation plus réaliste, sans concession, porte ouverte à une liberté et une conception de l’art propre à l’époque.

Certes, il n’est pas question de savoir qui des hommes ou des femmes se sont affranchis le plus de l’académisme. Disons simplement que les années folles ont été pour les femmes une formidable perspective d’affranchissement, culturel, artistique, sexuel.

Pour être indépendantes financièrement, elles sont pour certaines pluridisciplinaires et se lancent dans la mode, la décoration intérieure, les costumes. Les marionnettes de Marie Vassilieff ont une forte parenté avec le théâtre de Kantor, témoignant d’une résonance par-delà le temps sur les arts modernes.

Des moments d’intimité

L’audace picturale de Suzanne Valadon (1865-1938) est magnifique de vérité, de beauté. Elle qui n’aura pas hésité à se représenter aux âges avancés de la vie. „La Chambre bleue“ (1923), dans un travail proche de Matisse, volutes et aplats, dans la tradition aussi d’une „Olympia“ de Manet, représente une femme allongée sur son lit, dans une tenue décontractée, une cigarette aux lèvres.

La femme en question n’obéit pas aux canons esthétiques en vigueur, et c’est pur plaisir de la voir „vivre“ cet instant sans souci de sa tenue ni de sa pose, sans un regard pour le spectateur. Moment d’intimité, dans une forme plastique riche et absolument maîtrisée, dans une débauche de motifs floraux et la vibration formidable des couleurs.

Mela Muter (1876-1967) avec le „Nu assis avec des bas“ (1922), présente, elle aussi, une femme nue, non idéalisée, l’air assez désabusé, dans un intérieur pauvre. Dans les deux cas, la figure semble déborder de l’espace et s’impose avec force. Tandis que plus loin dans l’exposition, Amrita Sher-Gil (1913-1941), pour son „Autoportrait en Tahitienne“ (1934), se présente à l’envers des clichés de l’époque, l’air grave, échappant au regard désirant.

Une salle est dévolue à l’œuvre de Tamara Lempicka (1898-1980) et à ses amours féminines. Mariée et aimant les femmes, elle représente, avec „Les deux amies“ (1923) une histoire d’amour ou une amitié forte entre deux amies, sans la présence d’hommes.

Mariée et bisexuelle, Lempicka, par des volumes qui s’apparentent au néo-cubisme, un éclairage laiteux, rend la scène presque surréaliste, dans une beauté pulpeuse et idéalisée, un cadrage très serré. Tandis que Claude Cahun (1894-1954), écrivaine, plasticienne, photographe, travaille avec sa compagne Marcel Moore l’idée de l’ambivalence sexuelle, et se travestit pour des autoportraits photographiques. „Masculin? Féminin? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours“, écrit-elle en 1930. Posant ainsi la réflexion de la transition d’un genre à l’autre.

Nombreuses sont les artistes femmes au rendez-vous de cette exposition. Elles ouvrent des perspectives, tracent des chemins. Certaines, tombées dans l’oubli à cause de la Deuxième Guerre mondiale, méritent d’être redécouvertes. Les propositions esthétiques et novatrices foisonnent.

Info

„Pionnières“
Jusqu’au 10 juillet
Musée du Luxembourg
19, rue Vaugirard
75006 Paris
Musée du Luxembourg, Paris (museeduluxembourg.fr)