En février 2022, j’avais écrit une chronique dans laquelle il était question de la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale et du fait que celle-ci, comme toute construction sociale, évolue au fil du temps. Ce texte a blessé certaines personnes, tout particulièrement le passage suivant: „Les résistants ne correspondent pas non plus à l’image d’Épinal diffusée aujourd’hui. Beaucoup d’entre eux provenaient de deux courants dont les idées et les valeurs seraient aujourd’hui considérées comme populistes. Il s’agit d’une part des nationalistes, par exemple des militants de l’Action française, très nombreux à Londres et dans les maquis ou bien, au Luxembourg, des membres de la Letzeburger Vollékslegio’n (LVL), une organisation qui avait encore des articles antisémites dans son programme de 1941. Les communistes qui, à cette époque, obéissaient au doigt et à l’œil à ce grand démocrate droit-de-l’hommiste qu’était Joseph Staline ont eux aussi joué un rôle important dans la résistance.“
Suite à la parution du texte, des descendants de résistants m’ont contacté pour me faire part de leur déception et même de leur colère. Comment avais-je pu généraliser de telle manière et comparer les résistants à des populistes? Je me défends d’avoir commis une telle généralisation, en revanche je me suis probablement mal exprimé.
Une notion stigmatisante
Si j’ai écrit que, non pas les résistants, mais „les idées et les valeurs“ de „deux courants“ de la résistance seraient „aujourd’hui considérées comme populistes“, ce n’était pas pour porter un jugement sur la résistance, mais pour critiquer la notion de populisme, utilisée à tort et à travers, le plus souvent pour stigmatiser et disqualifier.
L’étymologie du terme renvoie au peuple, non dans l’acceptation ethnique ou civique du terme, mais dans son acceptation sociale, avec une nuance clairement infamante. Le peuple dont il est question, ce sont les „affreux, sales et méchants“, les „sans-dents“, les disposables; ceux qui, faute de bases éducatives et morales dignes de ce nom, sont prêts à suivre, qui à droite qui à gauche, le premier démagogue capable de leur désigner un groupe humain coupable de leurs malheurs– ennemi de classe ou ennemi de race.
Tous ceux qui utilisent cette notion construite sur des stéréotypes pensent cependant qu’elle tire sa légitimité d’une lecture de l’histoire, des leçons tirées de celles-ci. Cette lecture postule que toutes les tragédies du 20e siècle ont été causées par „les populismes“, de droite ou de gauche, c’est-à-dire par les passions tristes d’une populace à laquelle des démocraties trop faibles ou trop naïves avaient candidement accordé leur confiance.
La faute aux pauvres
Cette interprétation se base essentiellement sur un exemple: l’arrivée au pouvoir de Hitler en 1933. Dans une République de Weimar en plein agonie politique, économique, sociale, celui-ci aurait réussi à engranger les suffrages des sans-grades en flattant leurs plus bas instincts et en jouant sur leurs angoisses mais aussi leurs désirs les plus démesurés. Or, il y a quelques nuances à apporter à ce récit si commun.
Les nazis n’ont jamais obtenu plus de 38% des voix au cours d’élections tenues dans des conditions véritablement démocratiques. Ils n’ont pas non plus fait leurs meilleurs scores dans les classes populaires. La majorité des paysans catholiques sont restés fidèles au Zentrum, tandis qu’une grande partie des ouvriers a continué à voter social-démocrate ou communiste. Le nazisme était plutôt un parti des classes moyennes. A un moment déterminant, fin 1932, il a aussi pu compter sur la complaisance des élites héritées de la période impériale, qui n’avaient jamais vraiment digéré l’instauration de la république.
Alors, bien sûr, ces fonctionnaires, ces officiers, ces universitaires, bien que d’accord avec les nazis sur bien des points, continuèrent à soutenir les nationaux-conservateurs, plus présentables. Leurs enfants avaient en revanche sauté le pas depuis longtemps. Les organisations étudiantes nazies étaient devenues majoritaires dans les universités allemandes dès 1928. Plus tard, c’est dans la fine élite des jeunes diplômés que le Troisième Reich recrutera les penseurs et les organisateurs de sa politique raciale génocidaire.
Une justification de l’ordre établi
Ces subtilités historiques ont au fond peu d’importance. La notion de populisme fait partie d’un arsenal discursif qui a moins pour but d’analyser le passé que de justifier le présent. Il sert à raffermir un ordre néolibéral qui, confronté à des crises de plus en plus nombreuses, graves et diverses – géopolitiques, économiques, sociales, sociétales, démographiques, sanitaires, écologiques, climatiques … –, souvent dépassé par elles, doit présenter toute alternative potentielle comme un retour néfaste aux erreurs du passé.
Puisant leur légitimité dans leur capacité à empêcher la répétition des erreurs du passé, les gouvernements occidentaux ont tout naturellement tendance à présenter leurs adversaires, extérieurs et intérieurs, comme des avatars de Hitler ou de Staline et de se dépeindre eux-mêmes en héritiers d’une résistance fantasmée. Or celle-ci masque toutes les complexités de la résistance réelle, historique.
Tout d’abord, la plupart des résistants n’étaient pas des libéraux, ni dans le sens contemporain du terme, ni même dans celui de l’époque. Pour une raison bien simple, ils avaient grandi dans un monde dans lequel le libéralisme était considéré comme une idéologie du 19e siècle, dépassée, incapable de résoudre les problèmes du temps, tenue pour responsable de la grande crise économique des années 1930. Les deux idéologies en vogue étaient alors le nationalisme et le stalinisme.
Les différents courants de la résistance
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que ces deux courants qui, encore une fois, seraient aujourd’hui classés „populistes“, aient été représentés dans la résistance. En réalité, ils en étaient même les composantes les plus puissantes dans la plupart des pays occupés. D’autres courants, cherchant une „troisième voie“ entre ces deux-là, jouèrent toutefois aussi un rôle important. Les plus significatifs au Luxembourg étaient les socialistes et les chrétiens-démocrates.
Ceux-là étaient farouchement attachés à la démocratie parlementaire et à l’état de droit et pourraient donc nous sembler plus familiers. Pourtant, ils plaidaient aussi pour la préférence nationale, avaient une vue extrêmement étroite de ceux à qui pouvait être accordée la citoyenneté luxembourgeoise et se méfiaient du capitalisme. Tout cela, si on y rajoute par ailleurs une vision des rapports de genre qui, même dans le cas de la gauche de l’époque, paraîtrait inexcusablement rétrograde en 2022, suffirait à faire planer sur eux aussi le soupçon du populisme.
Pourtant, tous ces courants, y compris ceux qui étaient le plus radicalement à gauche ou à droite, ont contribué à forger nos démocraties modernes parce que, au final, ce sont moins leurs doctrines que l’expérience de ceux qui les défendaient qui a prévalu. La résistance a créé des liens indéfectibles entre des gens qui, dans d’autres circonstances, se seraient affrontés – après tout, il y a eu une guerre civile entre nationalistes et républicains en Espagne, dans les années 1930.
Une leçon existentielle
La nécessité de coopérer pour combattre un ennemi surpuissant, l’expérience commune de la clandestinité, des camps et du deuil, l’angoisse bien sûr, mais aussi l’ivresse de la prise de risque ont rapproché des gens que tout séparait et créé des liens assez inattendus qui ont survécu à la guerre. Comment expliquer sinon qu’une organisation comme l’Unio’n ait pu rassembler, à la libération, presque l’ensemble des organisations de résistance?
Au Luxembourg, comme partout en Europe de l’Ouest, telle amitié née en déportation a par la suite facilité bien des réformes, malgré les différences d’opinion et la Guerre froide. Et puis au final, tous les anciens résistants se retrouvaient dans un désir commun, vague, mais puissant, de justice, de solidarité, de dialogue et de respect de la dignité humaine.
Il y a donc une leçon existentielle à tirer d’un mouvement qui porte le nom d’une qualité morale et physique –, la résistance. Ceux qui ont choisi de la rejoindre l’ont fait par principe. Les résistants de la première heure, ceux qui se sont engagés dès l’automne 1940 ou l’hiver 1941, ne pouvaient même pas s’appuyer sur une chance réaliste de l’emporter. Ce qu’ils nous ont appris, c’est que face au danger le plus grand, dans la plus désespérée des situations, il ne faut jamais perdre espoir, ne jamais cesser de se battre, peu importe le rapport de force.
Guten Tag Herr Artuso,
das vom katholischen Papst 1933 im "Luxemburger Wort" außer Kraft gesetzte dekalogische Tötungsverbot ist die bis heute wirksame Klammer der im christlichen Glauben vereinigten Resistenzler und "Nicht-Resistenzler". Beide Parteien wurden vom Papst zu autoritären, nichtdemokratischen populistisch-rassistischen Alternativen gezwungen.
▪ "Es gibt nur eine einzige, große, katholische Rasse."
(Pius XI, 1936)
(Aus dem Film: Rassenwahn und Weltherrschaft von Ursula BÖHM und Ulrich KNÖDLER)
https://programm.ard.de/?sendung=280078204338450
▪ Die Weltprovinz
Am "Büchertag" von Esch gibt es in diesem Jahr auch einen der interessantesten Filme zu sehen, den der kleine Filmstandort Luxemburg in den vergangenen Jahren produziert hat. Er heisst: "Perl oder Pica", spielt in Esch und bietet, nach den Bürgerhäusern in den Stadtstrassen, eine zweite Zeitreise an. Sie führt in ein Luxemburg, das nach außen hin beinahe verschwunden ist, in vielen Köpfen aber noch existiert und dem Verständnis der Gegenwart auf die Sprünge hilft. Gemeint sind die frühen sechziger Jahre. Hinter den angenehm kargen Bildern einer kargeren Zeit zeigt der Film aber auch ein Grossherzogtum, das noch stark von einem rigiden Katholizismus beeinflusst war. Noch heute sind 97 Prozent der Luxemburger katholisch, 11 Prozent der wirklich Praktizierenden sind die Nachfahren der Einwanderer aus den Jahren um 1900 - Italiener und Portugiesen.
(Hans-Peter KUNISCH, Süddeutsche, 30.11.2006)
▪ Papst Pius XI. und Mussolini - Pakt mit dem Teufel
Papst Pius XI. hat mit dem Faschismus paktiert und Benito Mussolinis Aufstieg erst möglich gemacht. Eine Studie des US-Historikers David KERTZER lässt den Papst eher als Dunkelmann denn als Lichtgestalt erscheinen.
https://www.spiegel.de/geschichte/pakt-mit-dem-teufel-papst-pius-xi-und-der-faschismus-a-1122590.html
(Klaus KÜHLWEIN, 27.11.2016)
MfG
Robert Hottua