L’ambassadeur Sylvain Itté doit-il regagner la France? Ou, pour prendre la question dans l’autre sens, le représentant d’un pays étranger peut-il demeurer en fonctions lorsqu’à la suite d’un changement de régime, si peu démocratique soit-il, le nouveau pouvoir le déclare soudain indésirable?
L’argument de Paris est que seul le chef d’Etat légitime auprès duquel il a été accrédité, le président Bazoum, est habilité à le déclarer „persona non grata“, comme disent les diplomates, et qu’obéir aux militaires factieux reviendrait à les tenir pour tels. Mais d’un autre côté, la France a toujours précisé qu’elle reconnaissait les Etats (et en l’occurrence la République du Niger n’a pas cessé d’exister), non les régimes, même les plus éloignés d’elle politiquement.
De toute façon, le maintien en poste de M. Itté relève d’ores et déjà du symbole – qui a toujours son poids, certes, dans les relations internationales – plus que de l’utilité pratique. L’ambassadeur, en effet, ne peut quitter ses locaux, lesquels peuvent être, du jour au lendemain, coupés d’approvisionnement en eau ou en électricité, pour s’en tenir à l’essentiel. Lesdits locaux abritent aussi, outre des fonctionnaires diplomatiques dont le nombre a été réduit au minimum, une garde de sécurité, constituée d’éléments d’élite; mais imagine-t-on ces derniers „tenter une sortie“ au fusil d’assaut face à face aux manifestants, fussent-ils nombreux et menaçants?
Un accord „désormais caduc“?
Tout aussi peu vraisemblable semble être désormais l’engagement des quelque 1.500 soldats dans des combats qui pourraient avoir lieu après ce coup d’Etat, fût-ce à l’initiative et sous l’égide de la Cedeao (Communauté des Etats africains d’Afrique de l’Ouest), qui se dit prête à intervenir tout en se gardant bien, pour l’instant, de le faire. Des soldats français dont on note avec amertume à Paris que, s’ils sont aujourd’hui accusés à Niamey d’imposer leur joug au Niger et à sa population, ils avaient au contraire été appelés au secours par le gouvernement nigérien légal, aujourd’hui renversé par les putschistes, pour lutter contre le terrorisme islamique – une lutte à laquelle, sur l’ensemble de la région sahélienne, la France a payé un lourd tribut, et cela dans une certaine solitude internationale.
Le premier ministre des putschistes, Ali Mahaman Lamine Zeine, a mis les choses au point: pour lui, les forces françaises sont „dans une position d’illégalité“, car l’accord de coopération militaire signé avec Paris „est désormais caduc“. Et il a affirmé que des négociations étaient en cours avec la France pour organiser le départ de ses troupes du territoire nigérien, ce que personne ne confirme du côté français, où l’on maintient au contraire refuser un tel retrait, pour la même raison que pour celui de son ambassadeur.
Reste que c’est l’ensemble de la politique française au Sahel qui est désormais en ruine, comme le laissait pressentir les avanies et reculs successifs de l’opération Barkhane, lancée en 2014 pour contrer les avancées du terrorisme islamiste dans cette très vaste région. Il est vrai que cette opération se sera heurtée à plusieurs facteurs contraires: l’instabilité politique (le mot est encore bien faible: cinq coups d’Etat en quatre ans dans cette partie de l’Afrique, sans même parler du Gabon); et le manque de grands moyens techniques pour mener une offensive de cette ampleur.
Peut-être aussi des ambitions qui n’étaient pas seulement militaires, et mal assumées. Même si elles n’étaient aucunement néo-coloniales, comme on le dit aujourd’hui à Niamey: il s’agissait plutôt de restaurer l’image de la France au Sahel, en tâchant d’y susciter admiration et reconnaissance, et d’y resserrer les liens franco-africains. Rappel qui semble un peu surréaliste aujourd’hui; car si le mot „fiasco“ a un sens …
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