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Exposition novatrice au MNAHALumières sur la peinture du XVIIIe siècle

Exposition novatrice au MNAHA / Lumières sur la peinture du XVIIIe siècle
Trente-cinq œuvres sont réunies sur un même pan de mur Foto: Editpress/Hervé Montaigu

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Avec l’exposition „Peindre au Luxembourg au XVIIIe siècle” et la publication du travail de thèse de Henri Carême qui en est à l’origine, le „Nationalmusée um Fëschmaart“ (MNAHA) explore de nouvelles voies muséographiques.

Il n’est pas banal de circuler dans une exposition dont les œuvres sont pour la plupart médiocres, sans originalité ou des copies sans mérite. Avec „Peindre au XVIIIe siècle au Luxembourg“, le Nationalmusée um Fëschmaart (MNAHA) le fait sans hésiter. Cela tient au caractère hybride d’une exposition qui se situe „au croisement de l’art, de l’histoire et de l’histoire de l’art“, comme le formule le directeur des lieux, Michel Polfer. Elle est le prolongement d’un travail de thèse mené par le jeune docteur en histoire, Henri Carême, sur un sujet encore en friche: la peinture au Duché de Luxembourg au XVIIIe siècle.

L’exposition n’en est en fait qu’un éclat d’un dense travail de recherche. Il ne lui rend certainement pas justice, mais les plus curieux pourront se jeter sans hésitation sur la partie centrale de la thèse (obtenue cette année avec succès à l’université catholique de Louvain) que le MNAHA a préféré publier (chez Silvana Editioriale), plutôt que de présenter un catalogue d’exposition forcément moins complet. L’ouvrage est un travail d’identification des peintres, de leurs origines sociales, de leur formation, de leurs conditions d’exercice et du contenu de leurs œuvres. Il met à jour les informations déjà connues et en apporte surtout de nombreuses autres, explorant des archives et des thématiques négligées jusque-là.

Une histoire de la précarité

L’histoire de la peinture au XVIIIe siècle a connu un long discrédit. Le procureur général du Conseil de Luxembourg, Jean-Michel Heynen, n’y a pas peu contribué. En 1777, à l’impératrice d’Autriche, il rapporte qu’aucun artiste établi dans la forteresse de Luxembourg n’a été formé dans une académie, seuls quelques-uns d’entre eux sont spécialisés dans les portraits tandis que les autres ne créent que des paysages et ouvrages semblables. Or, comme le livre nous l’apprend et le démontre, à cette période, des maîtres de valeur ont quitté la ville, et les maîtres en devenir ne se sont pas encore fait connaître. 

Alors que la maigre littérature sur le sujet n’avait identifié que dix peintres, Henri Carême avance le nombre de 83, dont 49 sont des artistes qui ont laissé des œuvres. Il a pour cela recensé aussi bien les peintres du Duché du Luxembourg, dont une carte à l’entrée rappelle qu’il était quatre fois plus grand que l’actuel Grand-Duché, que ceux de passage ayant répondu à une commande de résidents. 

Parmi eux, il y a des têtes de gondole déjà connues des initiés, à commencer par Pierre-Joseph Redouté, surnommé le „Raphaël des fleurs“ sous l’Empire, célébré comme il se doit dans la ville belge de Saint-Hubert, venu s’installer dans la ville de Luxembourg. Un autre artiste important est Jean-Louis Gilson (1741-1809), frère Abraham de l’abbaye d’Orval, ou encore Pierre Maisonnet (1750-1827) et Jean-Pierre Sauvage qui ont tous les deux leur rue à Luxembourg. Les thèmes des tableaux sont des scènes religieuses dans la majorité des cas, des portraits et des allégories.

Henri Carême a aussi exploré les sources gravées pour identifier les influences de ces peintres et leurs larges emprunts, en ce Siècle des Lumières qui ne connaît pas le droit d’auteur. En s’intéressant à tous les autres peintres de seconde zone, c’est aussi une histoire de la précarité des artistes au Luxembourg que réalise ce détour par le XVIIIe siècle. Le Duché n’a alors pas de cour. Il n’est pas un foyer intellectuel. Les commandes institutionnelles maigres, les commandes ecclésiastiques forcément limitées et les commandes privées ne suffisent à vivre de son pinceau. Il faut faire des travaux annexes de peintures, de polychromie ou se diversifier, pour mener au final une vie modeste. 

Une expo immersive

Trente-cinq tableaux ont été sélectionnés pour l’exposition. Le choix de les rassembler sur un même mur – couleur bleue de Prusse, faut-il préciser –, les uns à côté des autres, permet de restituer la manière dont on les collectionnait à l’époque. Cela est aussi rendu nécessaire par la relative faiblesse picturale des tableaux, qui, en s’additionnant, s’embellissent les uns les autres. Sur le mur vis-à-vis, c’est sur un tableau digital que les tableaux sont représentés. Pendant quatre minutes, accompagnés par une musique d’époque, on peut observer de part et d’autre les tableaux, originaux et numériques. Puis, commence un film de seize minutes, durant lequel deux des cinq commissaires (Lis Hausemer et Henri Carême) et les spécialistes (la cheffe du service restauration du musée, Muriel Prieur et le théologue et historien de l’art Alex Langini) interviennent sur l’écran vidéo, tableaux à l’appui, pour raconter les conditions de production de ces œuvres, leur facture, leur contenu, mais aussi la manière dont ils furent déplacés des églises pour arriver dans cette espace. Des archives sous vitrine complètent le dispositif.

C’est sans doute comme un essai de restitution de la culture visuelle du XVIIIe siècle, qu’on visite le plus fructueusement cette exposition didactique et historique. Toutefois, il faudra avoir en tête que c’est la culture visuelle des bourgeois, des nobles et du clergé principalement qui est ici présentée, même si plusieurs pièces viennent d’églises accessibles au commun des mortels. On cherchera en vain des représentations du peuple, qui vit principalement à la campagne sur un territoire limité en ressources, isolé et peu propice au commerce. Car elles n’existent pas. Une vue sur le château d’Ansembourg et ses alentours, composée par Jean-Pierre Weber et présentée dans l’ouvrage, aurait pu augmenter l’intérêt de l’exposition, et lui donner un ancrage encore plus local. 

Henri Carême, doctorat en histoire, histoire de l’art et archéologie
Henri Carême, doctorat en histoire, histoire de l’art et archéologie Foto: Editpress/Hervé Montaigu

Info

L’exposition „Peindre au Luxembourg au XVIIIe siècle“ est ouverte jusqu’au 28 janvier 2024 du mardi au dimanche de 10h à 18h (jusqu’à 20 h le jeudi). Il faut consulter le riche programme d’accompagnement qui comprend des visites dans des églises sur www.mnaha.