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ForumLettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’Education nationale au sujet du numérique à l’école 

Forum / Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’Education nationale au sujet du numérique à l’école 
 Photo: dpa/Paul Zinken

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Monsieur le Ministre,

Profitant des vacances de Pentecôte, j’ai lu plusieurs études scientifiques faisant état de la recherche concernant l’impact du numérique et des écrans sur le cerveau des enfants et des jeunes. Si l’on peut s’offusquer du caractère parfois outrancier des titres de certains de ces ouvrages („Glow Kids: How Screen Addiction is Highjacking our Kids“ de Nicholas Kardaran, le sous-titre de la traduction française étant: „Ecrans et cocaïne: mêmes effets sur le cerveau des enfants“; „La fabrique du crétin digital“ de Michel Desmurgets; „Quand les écrans deviennent neurotoxiques“ de Sabine Duflo, etc.), titres dont le but est d’appâter le chaland, on ne saurait toutefois ignorer la pléthore de données scientifiques recensées dans ces livres et qui semblent, dans leur immense majorité, aboutir au même constat plus que préoccupant: les écrans (d’ordinateur, de smartphone, de tablette, etc.) sont dangereux pour le cerveau des jeunes, activent les mêmes zones du cerveau que les drogues, contribuant ainsi à favoriser l’addiction, et entraînent des risques cognitifs, émotionnels et sanitaires.

Pour citer Kardaran dans la traduction française de son ouvrage: „[L]’ipad que l’école de votre enfant trouve magnifique et si éducatif corrompt son cerveau pour le faire ressembler à celui d’un drogué“ (Hypnotisés, Paris 2019, p. 105). Et cet auteur, expert en addictologie, soit dit en passant, insiste, comme d’autres, sur le fait que l’apport pédagogique de ces outils informatiques et des logiciels associés est anecdotique et plus que limité. Je citerai ici un court passage du livre de Desmurgets qui replace les choses dans leur contexte général: „[L]’actuel mouvement de numérisation du système scolaire relève d’une logique bien plus économique que pédagogique“ („La fabrique du crétin“, Paris 2020 édition augmentée, p. 286).

Analyse bénéfices-risques

Si tel devait être le cas, une analyse bénéfices-risques ne laisse pas de doute sur la politique à adopter. D’ailleurs, comme le font remarquer certains de ces auteurs que j’ai lus, Jeff Bezos et d’autres grandes figures du numérique ont mis ou mettent leurs propres enfants dans des écoles où il n’y a pas ou pratiquement pas d’ordinateurs. Faites ce que je veux que vous fassiez, mais ne faites pas ce que je fais.

Après avoir lu ces études – qui ont le mérite de synthétiser des centaines de résultats de recherche –, il m’est apparu comme mon devoir de citoyen et d’enseignant – nonobstant le devoir de réserve qu’il ne me semble pas avoir violé dans le cas présent – de vous interpeler publiquement sur le sujet, car votre ministère prend à bras le corps le mouvement de numérisation du système scolaire dont parle Desmurgets. De deux choses l’une, Monsieur le Ministre: OU BIEN vous et vos services êtes en mesure de réfuter point par point toutes les études faisant état de la „neurotoxicité“ du numérique pour les enfants et les jeunes, OU BIEN vous devez décréter un moratoire national afin de procéder à des études destinées à montrer que les bénéfices liés au numérique sont, le cas échéant, de loin supérieurs aux risques. Si de telles études – sérieuses et non-biaisées (elles ne doivent surtout pas provenir de chercheurs qui travaillent en même temps pour des concepteurs de logiciels dits pédagogiques) – existent déjà, je vous serais très reconnaissant de m’en indiquer les références.

Staark debil Kanner

Monsieur le Ministre, dans un livre que vous avez publié il n’y a pas si longtemps, vous souhaitiez des „Staark Kanner“. Avec la politique de numérisation de l’enseignement que vous promouvez, Desmurgets et d’autres – et pour l’instant je m’abstiens d’adhérer pleinement à cette thèse, en attendant de connaître vos arguments – diraient que ce que vous réussirez à produire ce sont des „Staark debil Kanner“.

Une petite précision pour terminer: je ne suis pas technophobe et j’admets que pour un public adulte et averti, le numérique – dont je me sers aussi pour mes travaux de recherche ainsi que pour communiquer avec des personnes que je ne vois pas tous les jours où auxquelles je dois transmettre une information urgente – a des atouts incontestables. Mais les enfants et les jeunes ont-ils vraiment besoin du numérique? Ce que les élèves ont recopié sur Wikipédia reste-t-il vraiment mieux ancré dans leurs cerveaux que ce qu’un bon enseignant leur a transmis en classe? En quoi un logiciel soi-disant pédagogique surpasserait-il un bon professeur, c’est-à-dire un professeur qui connaît sa matière à fond, qui se passionne pour sa matière, qui aime transmettre sa matière, qui fait cours quand il doit faire cours, et qui a avec ses élèves ce qu’aucun outil numérique ne peut jamais avoir avec eux, à savoir une relation humaine? „Staark Professeren“, ne voilà-t-il pas un beau titre pour votre prochain livre?

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes meilleurs sentiments.

* L’auteur est Docteur en philosophie habilité à diriger des recherches

trotinette josy
1. Juni 2021 - 10.19

Bréngt mir deen Unterrichzsminister, deen ët de Proffen, de Schüler an den Elteren jeemols recht gmaat huet. Eppes stëmmt zwar, den Niveau fällt a fällt an eis Diplômer ginn ëmmer manner wert.