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Prise de positionLes fossoyeurs de la démocratie parlementaire

Prise de position / Les fossoyeurs de la démocratie parlementaire
 Photo: Editpress/Julien Garroy

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Le mardi 27 octobre 2020 entrera dans l’histoire comme une heure sombre – une de plus – de notre démocratie parlementaire, les députés de la majorité (DP, LSAP, „déi gréng“) ayant en effet refusé de voter la constitution d’une commission d’enquête parlementaire (CEP) destinée à découvrir la vérité concernant les surcoûts liés à l’achat d’un satellite militaire, surcoûts qui, s’ils ne s’étaient élevés qu’à 140.000 euros, n’auraient dérangé personne, mais qui, s’élevant à 140 millions d’euros, ne peuvent pas simplement être rangés sans plus du côté des pertes et profits.

L’opposition voulait une CEP pour faire toute la lumière sur l’affaire, et notamment pour mettre un nom ou des noms sur les responsables, sur celles ou ceux qui ont, sciemment ou par négligence, commis une erreur, voire faute qui, vu son ampleur, ne peut pas laisser indifférent. Savoir exactement ce qui s’est passé pourrait aussi servir à éviter que ce genre de chose ne se répète à l’avenir. Mais la majorité a refusé, comme si elle avait quelque chose à cacher ou comme si elle voulait protéger quelqu’un.

Le parti libéral, oubliant que le libéralisme classique est étroitement lié à l’idée de transparence, a préféré tout laisser dans l’ombre. Le parti ouvrier socialiste, oubliant que les 140 millions provenaient – aussi – des impôts payés par les ouvriers, n’a pas jugé utile d’accepter la création d’une CEP qui aurait permis aux ouvriers de savoir pourquoi on a gaspillé une partie de l’argent qu’ils ont gagné à la sueur de leur front. Mais cela fait bien longtemps que nos libéraux ont trahi le libéralisme et que nos socialistes ont trahi la classe ouvrière, si longtemps d’ailleurs, qu’il ne viendrait même plus à l’idée de quelqu’un – et je me complais à appartenir à une ultra-minorité – de leur reprocher leur trahison.

Avaler des couleuvres

Et que dire des Verts? S’ils avaient fait partie de l’opposition parlementaire, on les aurait entendus crier, que dis-je, hurler de Troisvierges à Rumelange pour la création d’une CEP et s’insurger contre le refus de la majorité, criant au déni de démocratie, etc. Mais là, ils sont dans la majorité, et depuis qu’ils y sont, ils ont appris à avaler des couleuvres – même si, sauf erreur de ma part, ce joli serpent est sur la liste des espèces protégées – et à jouer le jeu politicien, et ils ne sont, après seulement quelques années d’exercice du pouvoir, même plus l’ombre de leur ombre.

A leurs débuts – et il me revient avoir été dès leurs à l’époque –, on leur reprochait, non sans raison, d’être rouges derrière leur vert affiché. On voulait dire par là que derrière chaque écologiste se cachait un communiste. Aujourd’hui, plus personne ne songerait à leur faire ce reproche – qui serait d’ailleurs pris par eux comme une insulte. Mais on souhaiterait pour le moins que nos Verts soient au moins encore rouges de honte d’avoir renié leurs principes. Mais je doute fort qu’ils le soient et je regrette qu’un Vert de la première heure, comme Jean (Muck) Huss ne s’insurge pas publiquement contre ce qu’on a fait de l’enfant qu’il a contribué à porter sur les fonts baptismaux. Judas, après avoir reçu l’argent de la trahison, s’est pendu, montrant par là qu’il lui restait au moins encore un sens minimal de la dignité. Je ne demande bien entendu pas à nos Verts de se pendre, mais que celles et ceux qui ont voté contre la création d’une CEP aient au moins la décence de ne plus se présenter comme candidats à une élection.

Séparation des pouvoirs

En empêchant la création d’une CEP, les députés de la majorité ont contribué à creuser un petit peu plus le trou dans lequel notre démocratie parlementaire finira par être enterrée. Ce n’est au fond qu’un „point de détail“ dans une histoire qui commence au moment où les pouvoirs législatif et exécutif font corps, du moins dans les faits. Car en théorie, nous sommes supposés vivre sous le système de la séparation des pouvoirs. Mais peut-on parler de séparation des pouvoirs dès lors que les élections législatives déterminent en grande partie la composition du gouvernement, et ce même au niveau des personnes? En accordant à tel candidat et à son parti la majorité (absolue ou, le plus souvent, relative), les électeurs élisent en principe à la fois un député (pouvoir législatif) et leur futur premier ministre (pouvoir exécutif). Est-ce là la séparation des pouvoirs?

Mais d’où vient le problème? Du fait, simplement, qu’à l’époque où Charles de Montesquieu a formulé la théorie associée à son nom, les partis politiques tels que nous les connaissons aujourd’hui n’existaient pas encore vraiment. Il y avait certes déjà les whigs et les tories en Grande-Bretagne – pays qui a servi d’exemple à Montesquieu –, mais le Parlement anglais était composé de membres élus (Chambre Basse) et de membres non élus (Chambre Haute), de sorte que le gouvernement, le plus souvent nommé par le roi et non pas élu par les électeurs, ne pouvait pas toujours compter sur une majorité docile.

Emparons-nous de notre démocratie parlementaire

Le problème est donc identifié: les élections. Ou plutôt: on a oublié de réviser la théorie de la séparation des pouvoirs lorsqu’on a instauré le suffrage universel, et on a cru qu’en ajoutant une bonne chose à une autre bonne chose, et en éliminant, dans certains pays, ce que l’on estimait être une mauvaise chose (une Chambre non élue) on allait avoir une chose doublement bonne. Or le mieux est souvent l’ennemi du bien – et il me semble avoir lu cela chez Montesquieu –, et plutôt que de permettre à la démocratie parlementaire de se déployer selon ses potentialités, le nouveau système a mis en route le processus de sa désagrégation, avec un parlement et un gouvernement qui travaillent main dans la main, mais aussi et surtout, avec un parlement qui, s’il le faut, mettra tout en œuvre pour cacher la vérité lorsque celle-ci risque de faire mal à un membre du gouvernement ou à un membre ou ex-membre du parti qui est un élément de la majorité parlementaire et gouvernementale en place.

Aux trahisons mentionnées plus haut s’en ajoute donc une nouvelle: la trahison de la démocratie parlementaire et de son rôle d’organe de contrôle et de sanction du pouvoir exécutif. Certes, ce rôle est encore clairement énoncé dans le texte de la Constitution, mais qu’est-ce que la Constitution sinon un tigre de papier, dès lors que les citoyens et citoyennes ne lui donnent pas la force qu’elle doit avoir? Si ces citoyens et citoyennes veulent éviter de se voir accuser d’être les complices des fossoyeurs de la démocratie parlementaire, qu’ils et elles y réfléchissent à deux fois lors des prochaines élections. Se rappeler les noms des députés qui ont refusé la mise en place d’une CEP est un devoir citoyen, de même que l’est le refus de leur accorder la moindre voix lors des prochaines élections. Cela ne suffira certes pas à revigorer la démocratie parlementaire, mais cela pourra néanmoins servir d’électrochoc nécessaire. Emparons-nous de notre démocratie parlementaire afin qu’elle ne finisse pas dans le tombeau et ne soit pas recouverte de terre … brune.

* Spécialiste de philosophie politique et auteur d’une trentaine de livres, Norbert Campagna est professeur-associé de philosophie à l’Université du Luxembourg et professeur de philosophie, d’histoire et d’anglais au LGE.

Grober J-P.
29. Oktober 2020 - 11.12

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Grober J-P.
29. Oktober 2020 - 10.52

Wéi wär ët mat enger Petitioun an der Chamber? Ronn 223 € méi op de Kap, nët schlecht.