La Bibliothèque nationale du Luxembourg est une des institutions culturelles qui fait le moins parler d’elle, mais cela ne l’empêche pas de figurer parmi les plus fréquentées. Le transfert au Kirchberg a fait beaucoup de bien à la BnL, et son directeur, Claude Conter, met à raison les très bons chiffres de fréquentation en avant. Durant les premiers mois d’ouverture qui précédèrent la pandémie et qui furent aussi les derniers de l’ancienne directrice, il n’était pas rare de ne plus trouver aucune seule place assise aux heures d’affluence. Plus de mille visiteurs en moyenne chaque jour fréquentaient les lieux. Les chiffres enregistrés, avec 175.000 visiteurs en 2022 à la mi-décembre, après une année 2021 de restrictions culminant à 86.000 visiteurs, indiquant qu’il s’agissait bien d’une tendance de fond et non seulement d’un attrait éphémère pour la nouveauté. D’ailleurs, durant 40 journées en 2022, la BnL a dépassé les mille visiteurs. „Nous sommes attractifs, nos services sont attractifs et nos ressources sont passionnantes“, en déduit Claude Conter.
La BnL a décidé de rendre justice à la fidélité et l’enthousiasme de ses usagers, en faisant un pas historique: la fin de la fermeture du lundi, à partir du 2 janvier 2023. C’est l’une des mesures phares de l’objectif d’une adaptation des services aux nouveaux besoins des usagers, inscrite à la vision 2020-2030 présentée hier, qui compte neuf objectifs. Si elle était sacro-sainte, la fermeture de lundi n’avait pas vraiment de fondement, surtout pour un établissement déjà fermé le dimanche. La ministre de la Culture, Sam Tanson, a d’ailleurs partagé l’irritation qui était la sienne, quand étudiante, à la fin du siècle dernier, elle ne pouvait pas accéder à la bibliothèque le premier jour de la semaine.
Dans un premier temps, la bibliothèque sera ouverte l’après-midi de 14 à 20 h, avec des services limités, sans accueil. Claude Conter a tenu à justifier ce service réduit, en évoquant les offres numériques et les offres en salle de lecture (200.000 volumes en libre-service, dont de nombreuses revues) ainsi que les possibilités d’emprunter en toute autonomie des livres grâce aux efforts d’automatisation des dernières années. Le lundi sera, pour ceux qui ont recours aux ouvrages enfermés dans les dépôts, le jour idéal pour s’intéresser à ces fonds-là. Et comme le gros de la demande vient de lycéens et étudiants qui profitent plus de la quiétude des lieux que de la richesse de ses fonds, il n’y a rien de choquant à ce service minimum. D’ailleurs, s’il devait y avoir un nouvel effort à fournir le lundi, il semblerait plus conforme aux attentes, d’ouvrir le lundi dès 10 heures que d’offrir les services habituels le lundi après-midi.
La BnL n’a pas attendu la sortie d’une pétition à la mi-novembre, demandant des ouvertures élargies pour franchir ce pas. Claude Conter voit cette dernière comme „l’expression du grand nombre de personnes qui se sentent bien ici“. La bibliothèque sera désormais ouverte 54 heures par semaine. Mais de nouvelles extensions des plages horaires pourraient intervenir rapidement. Claude Conter songe à une extension des horaires le soir, avec une fermeture à 22 heures, à l’instar de ce qui se fait à la bibliothèque universitaire à Belval. Les comptages entre 18 et 20 h montrent une fréquentation à la hausse, de 20 en 2021, à 50 personnes en 2022 et des pointes à plus de 100 ces dernières semaines. Si ce chiffre venait à se confirmer, „nous verrons si en 2023 nous pouvons aussi emprunter de nouvelles voies en la matière“. „Les perspectives en termes d’horaires ont un lien direct avec l’évolution budgétaire. Cette ouverture n’est pas neutre en coûts. Proposer d’autres services dépend du développement du personnel“, a précisé Claude Conter, avant que la ministre fasse que son ministère appuierait de futurs efforts en ce sens.
En ligne sept jours sur sept
A vrai dire, la BnL est accessible 24 heures sur 24, par son développement en ligne qui prend de plus en plus de place et de ressources. La décennie que couvre le papier stratégique va voir l’offre s’étoffer de manière spectaculaire. D’ici 2030 la BnL aura numérisé tous les documents des fonds luxembourgeois. C’est le deuxième de ses neufs objectifs. La stratégie est sous-divisée en tranches de deux années. Et la liste des documents numériques qui seront mis sur le catalogue eluxemburgensia d’ici 2024 est vertigineuse. On y trouvera un peu plus de 20.000 monographies luxembourgeoises (soit trois millions de pages), contre 505 à ce jour. Le lecteur aura aussi accès à 60 nouveaux périodiques luxembourgeois, soit 406.318 pages supplémentaires de presse et magazines en tous genres. Dès la fin 2023, 3.832 numéros de la Revue seront disponibles. La rejoindront ensuite deux autres titres extrêmement attendus des chercheurs et historiens: 35.433 numéros du Luxemburger Zeitung (1868-1941) et du Der Landwirth (1877-1940). Il y aura aussi des titres notamment culturels, moins impressionnants en nombre, mais très intéressants en termes de contenu, comme Floréal ou Die Tribüne de Frantz Clément.
Le site internet de l’institution (bnl.etat.lu), c’est aussi un phare sur la toile qui doit permettre aux internautes de cerner les services et les collections de la bibliothèque. Le nouveau site, proposé aussi en luxembourgeois (une première pour une institution culturelle) est beaucoup plus clair qu’avant et participe désormais à l’objectif de valorisation de ses fonds, par des textes de recherche sur des pièces des différents fonds. Cela rappelle que la BnL elle-même fait des recherches sur ses collections. La BnL remplit ainsi sa mission de stimuler la curiosité des usagers et de leur proposer de nouvelles sources d’inspiration.
Le dernier projet de la vision 2020-30 transformé fut la migration du système de gestion de bibliothèques. Cette opération effectuée le 30 novembre dernier permet à 83 bibliothèques au Luxembourg d’optimiser leur gestion de données bibliothéconomiques et de proposer des outils de recherche documentaire plus performants. L’ancienne plate-forme datait de 2000, à une époque où il y avait 13 membres dans le réseau Bibnet. Sa remplaçante, la plate-forme Alma, c’est son nom, est „après le bâtiment, le plus grand projet d’infrastructure de la BnL“, dixit Claude Conter. C’est le genre de projet qui n’est pas tangible pour l’usager, mais qui signifie beaucoup pour les bibliothèques, comme en a témoigné la directrice de la bibliothèque universitaire, Marie-Pierre Pausch: „Le service de l’amélioration des processus est souvent invisible“, dit-elle. „La plate-forme Alma est au cœur de notre fonctionnement: gérer les acquisitions, les rendre visibles, les valoriser, organisation des services, le prêt et le prêt international.“
Douze groupes de réflexion ont été mis sur pied pour accompagner le processus, en impliquant les bibliothèques membres du réseau Bibnet. La nouvelle plate-forme laisse à ces dernières plus d’autonomie dans l’insertion des métadonnées comme dans la configuration de l’interface, en filtrant par exemple les réponses de l’outil de recherche en fonction des besoins de leurs usagers. „La BnL travaille pour le réseau, mais aussi avec le réseau“, a souligné Claude Conter, en rappelant les 44 formations proposées durant l’année par la BnL à ses partenaires. La ministre de la Culture, Sam Tanson, a d’ailleurs fait part que ses services menaient des consultations et un état des lieux avec ces bibliothèques, en vue de la tenue prochaine d’assises et in fine une amélioration de la loi sur les bibliothèques plus adaptée aux nouveaux besoins.
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