A l’époque aucun parti politique, ni vert ni autre, n’avait encore procédé à une OPA (offre publique d’achat) sur le mouvement écologiste ou sur ses idées. Au Luxembourg, certains leaders des Verts d’aujourd’hui se retrouvaient dans des groupuscules maoistes ou trotskistes et (nous) prêchaient les bienfaits de la révolution internationale et de la lutte des classes, la faucille et le marteau en bandoulière … Qu’ils étaient loin, leurs soucis écologiques, malgré René Dumont ou d’autres. Dommage qu’ils ne se soient pas trouvés, à l’époque, à Paris pour intégrer directement le mouvement écologiste qui venait de naître, ils auraient gagné dix ans dans leur maturité ou dans leur cheminement politique.
Mais revenons au Paris des années 70. Si je ne m’abuse, ce fut une des premières fois qu’un groupe, sous la bannière écologiste, se présentait à des élections et, au niveau des revendications politiques, insistait davantage sur la façon d’être que sur celle d’avoir. Le qualitatif essayait d’exister à côté du quantitatif, ce dernier étant représenté surtout par quasi tous les partis politiques traditionnels.
A l’époque je m’étais procuré l’affiche de ce candidat pas comme les autres, à la fois prémonitoire et un peu iconoclaste, et elle ornait longtemps un mur de ma chambre. Pendant de nombreuses années elle m’a fait rêver. Si tout va bien, elle devrait d’ailleurs accompagner le présent papier. Le groupement politique en question s’appelait „Les amis de la Terre“ et se proposait non pas de transférer les villes à la campagne, comme beaucoup d’urbanistes à la mode se proposaient de faire, mais l’inverse: transférer les campagnes dans la ville, comprenez des éléments propres à la campagne dans Paris. La verdure et la nature, sous toutes leurs formes, ont commencé à vouloir s’imposer à côté du béton, la mobilité douce, comme on dit aujourd’hui, était appelée, lentement, hélas, à contester la prédominance de la circulation automobile, même si le tout-voiture est resté toujours d’actualité pendant encore plusieurs décennies, notamment à la Ville de Luxembourg aujourd’hui.
Regardez bien l’affiche, un vrai bonheur: pas de voitures en vue, du vert partout, des vélos, des piétons, des habitants qui, enfin, ont envahi leur propre ville ou qui en ont pris possession, une cohabitation basée sur l’échange entre voisins ou avec le prochain, une grande quiétude qui se dégage: oui, ça donne vraiment envie.
Du concret, s’il vous plaît!
Aujourd’hui, une fois les anciens maoistes et les trotskistes recyclés, pour certains même au gouvernement, les sujets écolos se sont imposés dans tous les partis politiques et dans toute la sphère publique, même si le degré d’intensité d’un tel revirement n’est pas partout le même, sans parler des réalisations concrètes, sur le terrain. Pour s’en convaincre, suivez mon regard jusqu’à la „nouvelle“ tête de liste du CSV qui a pris un congé sans solde, mais avec revenu, pour bûcher, avec ou sans coach, des thèmes jusque-là inconnus de lui, tels l’écologie, le réchauffement climatique, la végétalisation, la mobilité douce, etc. Apparemment il a assimilé avec succès, mention passable, la première leçon. On raconte qu’il planche maintenant sur le b.a.-ba des politiques sociales, y inclue la législation du travail (un terme qu’il horrifie, ultralibéral oblige!). Prochaine leçon, le logement (d’accord, mais „abordable“ – c’est quoi ce truc?). Suivra l’éducation. Y a de quoi faire pour rattraper le retard. Et puis, la prochaine fois, plus question de se justifier, tel un élève de quatrième, „Pardon, je ne suis pas préparé!“, quand une invitation de participer à une émission télévisée arrive sur le bureau. Au lycée une telle excuse ne passe qu’une seule fois par semestre! Sinon: retenue garantie!
Eh oui, c’est tellement dur si on doit (re)partir de zéro, à son âge. Certes, en politique ou ailleurs, il n’est jamais trop tard pour bien faire et il existe tout un monde, à côté des établissements financiers, qui demande qu’on s’occupe de lui … Et puis le lifelong learning, c’est pour tout le monde! Non?
Mais revenons à nos moutons! Dans le dictionnaire la végétalisation, notre sujet d’aujourd’hui, est définie de la façon suivante: „Un processus naturel de résilience écologique passant par une re-colonisation spontanée par une flore pionnière puis secondaire évoluant vers un stade climacique théorique, en passant par la restauration d’une succession écologique naturelle.“ Pas fastoche de retenir cette définition …
Bien sûr tout le monde est pour le principe, mais quand cela devient concret, on va voir combien de bataillons resteront au front.
Dans la pratique cela veut dire qu’on végétalise notamment de la façon suivante: on recrée des espaces verts – toits, murs trottoirs, places publiques et privées, cours d’école –, on agrandit la surface de la nature, on entretient les espaces verts (désignent en urbanisme tout espace d’agrément, éventuellement planté de fleurs et d’arbres et buissons d’ornement, éventuellement garni de pièces d’eau et cheminements), on s’engage dans la démarche „Terre saine“ …, on met fin à la progression systématique du béton, on installe des ruches, etc.
On pourrait continuer la liste: on installe des jardins partagés, des plans d’eau, des tapis de plantes grasses, des prairies végétales, des potagers sur les toits des bâtiments, des plantes grimpantes ou comestibles sur les façades, on réintroduit des arbres en ville ou dans les villages, mais pas n’importe lesquels (au lieu de les abattre systématiquement), on réduit les espaces couverts par l’asphalte et le béton et on augmente la quantité de végétaux (arbres, gazons naturels, plantes etc.).
Quels bienfaits?
Un premier bienfait concerne l’aspect visuel. Que c’est moche, les quartiers ou endroits sans verdure, simplement bétonnés. Qu’elle est jolie, la végétalisation généralisée, systématique et systémique, dégustez encore une fois l’affiche ci-dessus!
Rien de mieux que de multiplier les sources d’oxygène, indispensables pour renouveler l’air pollué et pour le bonifier vu que les particules polluantes sont absorbées et transformées en oxygène.
Autres bienfaits: la végétalisation est à la base de tout ce qui a trait à la lutte contre le dérèglement climatique dont tout le monde parle, mais que personne met en œuvre systématiquement sur le plan communal ou autre. Au contraire, au Luxembourg, sur le plan national et communal, jamais on n’a autant bétonné que dernièrement.
Soyons concrets: visitez notamment la place de l’Europe à Kirchberg, regardez ce qui se trame place Guillaume en ville, la place en face de l’église à Pfaffenthal, le nouveau quartier de la Cloche d’Or, une horreur de béton, le nouveau quartier à Esch-Belval, la grande place avec le kiosque à Remich, etc. J’arrête, à vous de compléter.
Zut! J’ai failli oublier! La non-végétalisation à l’occasion de l’aménagement des voies du tramway, à quelques exceptions près. Question: pourquoi a-t-on omis de mettre (ou délibérément choisi de ne pas mettre) en place systématiquement de la végétalisation entre les rails? Je pense notamment au désert bétonné de l’avenue de la Liberté à Luxembourg? Même à Marseille on l’a fait, c’est dire!
La traditionnelle cerise sur le gâteau et un moment de vérité sera incontestablement, en ville, le Parc municipal, un espace de verdure important qui est appelé à être amputé de plusieurs hectares et de nombreux arbres centenaires, pour faire place nette à une ligne de tramway aussi inutile que superflue. Les Verts communaux et nationaux vous saluent et vous prient de ne pas porter attention à leur double discours, la pratique étant à mille lieues de la théorie. Et entretemps le directeur de LuxTram, en service commandé, cyniquement, dans ce contexte, parle „de renforcer le patrimoine végétal“. En bétonnant! Si tacuisses!
Il faut d’ailleurs faire attention et dénoncer systématiquement les discours ambivalents ou le double langage qui prêchent une chose alors que la réalité traduit le contraire. Souvent la main gauche s’occupe du végétal et, en même temps, la main droite actionne la bétonneuse. Les prises de position au sujet de la nouvelle ligne de tramway censée emprunter une partie du Parc municipal en est un exemple magistral, à éviter. S’il vous plaît, arrêtez les plaidoyers larmoyants pour les mesures de lutte contre les changements climatiques qu’on nous sert à toutes les sauces alors que la pratique est tout autre. Justifier le bétonnage partiel du Parc pour l’inscrire dans une démarche de lutte contre les changements climatique, il fallait oser! Arrêtez de vous foutre de notre gueule! Comment dit-on en luxembourgeois familier: „Veraarsche kënne mer ons selwer!“
A chaque municipalité son programme de (re)végétalisation!
Les élections approchent à grands pas et les différentes listes sont en train de peaufiner leur programme. Pour tous, indépendamment de leur couleur politique et de la taille de leur commune, un sujet doit s’imposer : la (re)végétalisation. Il s’agit d’abord de redresser des erreurs commises dans le passé et puis de proposer un ensemble de mesures concrètes dans un programme spécial ad hoc. Pas besoin de monter sur le cheval des principes et en rester là! Il faut être le plus concret possible et présenter un vrai catalogue de mesures, en faisant même, pourquoi pas, un „inventaire“ à la Prévert.*
A côté de ce plan municipal les administrations communales devront encourager et conseiller les particuliers à définir, chacun pour soi et, si possible, après consultation des services spécialisés de la commune, son propre programme de végétalisation concernant la propriété de chacun. Mot d’ordre: à bas le béton, vive les végétaux!
Et, last but not least, les PAG de toutes les communes devraient être adaptés à cette nouvelle donne, les architectes et les urbanistes, privés ou publics, devraient être obligés, contraints oui, même si cela ne leur plaît pas, d’intégrer cette nouvelle stratégie dans leurs réalisations respectives. Sur ce sujet le ministère de l’Intérieur devrait prendre le „lead“, comme on dit si bien aujourd’hui. Et une commune devrait proposer une rue précise pour y lancer un projet-pilote d’une rue végétalisée, en collaboration bien-sûr avec les habitants.
Dans le domaine sous rubrique, comme ailleurs, l’intérêt public devrait prévaloir sur les autres intérêts.
Mais ça c’est une autre histoire …
Il est toujours permis de rêver, non?
* D’après le dictionnaire, un poème de Jacques Prévert, appelé „Inventaire“, issu de son recueil „Paroles“ (1946), est à l’origine de cette expression. On y retrouve des éléments sans lien apparent, de telle sorte que cela confère à l’ensemble une dimension quelque peu confuse. A écouter, sous forme de chanson, sur YouTube ou ailleurs.
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