L’histoire du temps présentLa prise du château de Beggen

L’histoire du temps présent / La prise du château de Beggen
 Photo: archives Tageblatt

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En novembre 1956, les troupes du Pacte de Varsovie ont maté l’insurrection hongroise dans le sang. Au Luxembourg, à peine une dizaine d’années après la libération, beaucoup s’identifiaient à ces Hongrois opprimés par une puissance occupante totalitaire. Mais les grandes manifestations de soutien ont dégénéré en manifestations de colère – du jamais vu au Luxembourg!

„Stürmische Kundgebungen“, „Volksauflauf unerwarteten Ausmaßes“, tel était le genre de titres qu’on pouvait lire le lendemain dans la presse luxembourgeoise. Le chargé d’affaires américain alla même jusqu’à évoquer même une orgie de violence. Dans l’histoire du pays, rares sont les exemples de manifestation qui ont dégénéré de cette manière: des policiers et des gendarmes blessés, un diplomate étranger et un ancien ministre luxembourgeois forcés à se cacher dans une cave pour échapper à la colère de la foule. De quoi est-il question? Des manifestations qui ont eu lieu au Luxembourg, en novembre 1956, pour protester contre l’intervention soviétique en Hongrie.

Ce pays était occupé par l’Armée rouge, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et soumis à un régime communiste. Après la mort de Staline, en 1953, ceux qui aspiraient à la liberté avaient commencé à relever la tête. En octobre 1956, un mouvement massif des étudiants hongrois poussa à la démission un gouvernement d’un stalinisme orthodoxe. Le pouvoir revint alors à Imre Nagy, un communiste qui avait déjà été chef de gouvernement, mais faisait tout de même figure de dissident en raison de ses idées réformistes. Et, en effet, une fois arrivé au pouvoir, il décida le rétablissement du multipartisme et la sortie de son pays du Pacte de Varsovie, l’alliance militaire qui le liait à Moscou et aux autres pays du bloc de l’Est.

L’Union soviétique et ses Etats vassaux décidèrent alors de mettre fin à l’expérience. Début novembre, les troupes du Pacte de Varsovie entrèrent en Hongrie et matèrent l’insurrection hongroise dans le sang. Cette intervention brutale suscita l’indignation à l’Ouest, jusque parmi les militants des partis communistes occidentaux. Le souvenir de l’occupation était encore vivace. Beaucoup de Luxembourgeois s’identifièrent ainsi avec un peuple soumis au joug implacable d’une puissance étrangère et totalitaire.

Colère antisoviétique

Une première manifestation eut lieu à Esch, dans l’après-midi du 5 novembre 1956. Plusieurs centaines de lycéens défilèrent dans les rues en scandant des slogans antisoviétiques. La Marseillaise fut entonnée. La température de la foule monta dangereusement lorsque celle-ci arriva à la hauteur des locaux eschois du quotidien communiste Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek. Les forces de l’ordre durent intervenir. Ce n’étaient que les préliminaires de ce qui allait se dérouler le lendemain.

Le jour suivant, le 6 novembre, était celui de la fête nationale soviétique. L’ambassadeur soviétique, Ivan Melnik, avait invité près de 400 personnes au château de Beggen, où était installée la légation soviétique. Des organisations nationalistes, chrétiennes, libérales et socialistes avaient appelé les personnalités luxembourgeoises qui y étaient conviées à boycotter la réception. Elles avaient également appelé à manifester devant les grilles du château.

Près d’un millier de manifestants étaient déjà sur place vers 18.00 heures, parmi eux une majorité de lycéens et d’étudiants. Ils arboraient des drapeaux luxembourgeois et hongrois ainsi que des pancartes portant des inscriptions comme „Vive la Hongrie“, „A bas les bouchers de Budapest“ ou „Euer Wodka schmeckt nach Blut“. Les cris et les sifflements se multiplièrent, des pétards explosèrent et la foule tenta même de pénétrer dans le château. Mais à ce moment le cordon policier était encore suffisamment robuste pour les repousser.

Le cordon policier lâche

A 19.00 heures, la foule avait gonflé. 4.000 personnes étaient désormais massées devant la légation d’URSS. A ce moment, un groupe d’une quarantaine de personnes réussit à échapper à la vigilance des policiers et pénétra dans le parc du château. Ce petit commando déterra le câble électrique qui alimentait les lieux et le coupa – ce qui donne à penser que cette action avait été préparée. Le château de Beggen fut soudainement plongé dans l’obscurité. Profitant de la confusion et de l’obscurité, des centaines de manifestants partirent à l’assaut de la légation. Voici comment le Luxemburger Wort décrivit ce qui se passa ensuite:

„Zuerst noch hatten sich die Protestierenden damit begnügt, sämtliche Fensterscheiben, die erreichbar waren, einzuwerfen. Doch bald begann im Inneren des Gebäudes selbst die Verwüstung. Das für den von der Gesandtschaft in der letzten Stunde abgesagten Empfang dressierte Büffett, vom Kaviar bis zu den ,petits Fours‘, vom Wodka bis zum Champagner, musste zuerst dran glauben. Silberne Platten mit belegten Brötchen, Bestecke, Gläser, leinene Tischtücher wurden aus den Fenstern geworfen. Dann kamen Tische und Stühle dran. Unterdessen waren die Eindringlinge immer weiter in der Gesandtschaft vorgedrungen. Das Bettzeug bis zu den Matratzen wurde ins Freie befördert, wo andere sie mit ihren Fackeln unter dem Johlen der Menge anzündeten. Dann kamen die Kronleuchter dran, dann Schränke und es folgte bald darauf ein eingerahmtes Bild Bulganins und eine rote Fahne, die ebenfalls das Flammenschicksal erlitten.“

L’intérieur de la légation fut entièrement saccagé. Aucun meuble, aucun vase, aucune machine à écrire, aucune ampoule n’échappa à la fureur des assaillants. Des témoins déclarèrent par la suite que les lieux les avaient fait penser aux maisons touchées par des obus, pendant la bataille des Ardennes. Tandis que les étages étaient dévastés par les manifestants, l’ambassadeur et le personnel de l’ambassade mais aussi quelques invités arrivés très tôt, dont René Blum, proche ami de l’URSS et ancien ministre luxembourgeois de la Justice, se réfugièrent dans les caves.

L’armée intervient

Policiers et gendarmes intervinrent pour refouler les émeutiers hors de la légation, d’abord sans succès. Plusieurs d’entre eux furent blessés. Un semblant d’ordre ne fut rétabli qu’aux environs de 20.00 heures, lorsque des renforts de l’armée luxembourgeoise arrivèrent sur place. L’ambassadeur soviétique fut enfin extrait de la cave et trouva ensuite refuge à l’ambassade des États-Unis, où il passa la nuit. L’ironie de cette situation illustre largement la gravité exceptionnelle de la situation.

Après avoir été chassés de la légation soviétique, une partie des manifestants gagna le centre de la capitale et défila jusque dans la nuit avec les trophées dont ils s’étaient emparés, notamment un énorme portrait de Nikita Khrouchtchev, qui était alors le maître du Kremlin. Le dernier carré de manifestants se rassembla devant la siège, sous haute protection policière de la Zeitung vum Lëtzebuerger Vollek. Ce n’est qu’à 23.00 heures que le bourgmestre de Luxembourg, Emile Hamilius, et le ministre de la Justice, Victor Bodson, réussirent à les convaincre qu’il était temps de se disperser. Le premier ministre Joseph Bech se déplaça la nuit même pour présenter à l’ambassadeur Melnik les excuses officielles de son gouvernement. Le jour suivant, il réitéra ces excuses, publiquement, et appela la population au calme, au cours d’une allocution radiodiffusée. Une nouvelle manifestation prévue le soir-même fut annulée.

Comme si de rien n’était

Une représentation diplomatique étrangère avait été attaquée et mise à sac. Cela devait forcément mettre le gouvernement dans l’embarras. Mais réprouvait-il réellement l’attitude des manifestants? Ceux-ci avaient pu pénétrer dans la légation et, après en avoir été expulsé par l’armée, ils avaient pu se déplacer librement dans Luxembourg. Aucun d’entre eux ne fut sérieusement inquiété suite aux événements. Cela dit, les Soviétiques ne leur en tinrent pas non plus rigueur. Dans un communiqué rendu public le lendemain ils avaient certes menacé de rompre les relations diplomatiques avec le Grand-Duché mais, comme le révèle un rapport de l’ambassade américaine, Melnik assura le jour-même à Bech qu’il s’agissait là uniquement de propos de circonstance. Ensuite, il se passa au Luxembourg ce qui s’y passe toujours quand quelque chose sortant de l’ordinaire trouble le quotidien: on fit comme si rien n’était arrivé.

La seule véritable victime des événements fut René Blum. Dans les années 1930, il avait été le chef et le grand espoir du parti socialiste. Nommé ministre de la Justice en 1937, il était de fait le numéro 2 du gouvernement de grande coalition dirigé par le conservateur Pierre Dupong. Quelques mois avant l’invasion allemande, il avait cependant été poussé à la démission en raison d’un scandale d’ordre privé. Pendant la guerre, il avait réussi une sorte de comeback en se profilant comme le meilleur ami luxembourgeois de l’URSS. Peu après la prise du château de Beggen, il fut exclu du POSL pour avoir refusé de dénoncer l’intervention soviétique en Hongrie.

Les événements de novembre 1956 sont un jalon historique, entre les grèves de 1936, les manifestations contre le gouvernement en exil de 1945 et les mouvements sociaux et sociétaux de la fin des années 1960, début des années 1970. Ils montrent que les étudiants luxembourgeois d’avant mai 68 n’étaient pas qu’une masse anonyme et soumise attendant un grand réveil. Les événements de novembre 1956 furent d’ailleurs plus radicaux que ceux des décennies suivantes. Ils nous rappellent enfin qu’il y a des pans entiers de l’histoire luxembourgeoise qui sont encore complètement méconnus. Des événements plus durs, plus crus, plus complexes que ceux qui jalonnent éternellement notre mémoire bienpensante du passé.

de Schéifermisch
20. Januar 2020 - 10.25

Lang, lang ist's her. 1956 demonstrierten hunderte von Studenten in Beggen vor der russischen Ambassade und stürmten sie sogar, aus Protest gegen den Einmarsch der Sowjettruppen in Ungarn. Damals gab es keine Handys und die Jugend verfügte nicht über die Fortbewegungsmittel von heute. Wie sie nach Beggen kamen ? Mit der Tram, der Eisenbahn oder dem Fahrrad. Es war jedenfalls viel Engagement, Mut , Idealismus und Solidarität verlangt. Die jungen Leute erhoben sich für die Freiheit und gegen einen drohenden Krieg.