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NigerLa fin confirmée du rêve africain de la France

Niger / La fin confirmée du rêve africain de la France
Des manifestants à Niamey se sont emparés d’une plaque de l’Ambassade de France Photo: AFP

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Paris a commencé hier l’évacuation de ses ressortissants résidant au Niger, a annoncé le ministère des Affaires étrangères. Lequel justifie cette décision par les violences qui ont été organisées contre son ambassade, et le fait que l’espace aérien nigérien a été fermé par les autorités putschistes, ce qui rendrait impossible aux Français de quitter le pays par leurs propres moyens. Un premier avion militaire devait partir dans l’après-midi de Niamey.

C’est dans la nuit de lundi à mardi que les expatriés français ont été prévenus, par un message de leur ambassade à Niamey, d’avoir à se préparer en vue d’une telle opération d’évacuation par voie aérienne. Les Français vivant au Niger sont au nombre d’environ 1.200 en temps normal, mais l’arrivée des vacances scolaires avait réduit leur effectif d’à peu près la moitié. De sorte que, théoriquement, il suffirait de deux gros porteurs civils, du type A 330 d’Air France, pour rapatrier ceux qui ne sont pas déjà revenus dans l’Hexagone; ou encore de deux gros transporteurs de troupes de type A400M. Mais il serait aussi question d’utiliser de plus petits appareils militaires.

A condition, du moins, qu’un contrôle aérien fiable puisse être établi par les spécialistes militaires français, et qu’un accord technique soit trouvé avec la Garde nationale nigérienne pour sécuriser le trajet des différents points de ralliement à l’aéroport de la capitale. Car depuis le coup d’État, les liaisons intérieures sont fermées, et ceux qui ne vivent pas à Niamey risquent d’avoir du mal à s’y rendre. Pour y venir à Niamey, par exemple, il faut compter une bonne journée sur des routes à la sécurité désormais incertaine.

Qui sont ces expatriés français du Niger? Outre, bien sûr, les diplomates, les enseignants et autres coopérants civils, ainsi que les quelque 1.500 soldats que le président renversé par les putschistes, Mohammed Bazoum, avait invités sur le sol nigérien, il s’agit principalement de cadres travaillant pour de grandes sociétés établies localement, comme Veolia, Air France, et Orano (ex-Areva). Ce dernier groupe concentre l’essentiel des intérêts économiques français au Niger, et possède des participations, au côté de l’Etat nigérien, dans trois grandes mines d’uranium du Nord du pays, lequel est le quatrième producteur mondial et le deuxième d’Afrique. Une dizaine de collaborateurs, dit-on, pourraient être rapatriés d’urgence; mais, assure la direction d’Orano, „les activités opérationnelles doivent se poursuivre normalement, car 99% de nos collaborateurs sont des Nigériens“.

Les menaces d’autres dictatures – dérisoires, mais …

Restent plusieurs questions pour Paris, à commencer par celle du sort de ses troupes au Niger. Non dans la capitale – tout en souhaitant leur présence, le président Bazoum leur avait aussi demandé une certaine discrétion – mais à Madama, dans le nord du pays. Ces soldats français sont placés, en principe, sous le commandement des Forces armées nigériennes, et destinés à les aider à lutter contre l’avancée du terrorisme islamiste au Sahel. Mais on peut imaginer, sans sombrer dans le complotisme, que les éléments précurseurs de Wagner, qui ont déjà financé les manifestations pro-russes du début de la semaine, notamment contre l’ambassade de France, mettront tout en œuvre auprès de la dictature militaire pour pousser sans ménagement vers la sortie le contingent français.

Au-delà, c’est toute la politique africaine de la France, ou du moins ce qu’il pouvait en rester encore avant le coup d’État de Niamey, qui vient une nouvelle fois se fracasser sur l’effroyable fragilité des régimes démocratiques en Afrique. Certes, Paris paie là, d’une certaine façon, des décennies de complaisance, et de soutien militaire et financier, au contraire, à l’égard de dictateurs dont la seule vertu, si l’on ose dire, était d’être politiquement reconnaissants. Mais son changement d’attitude actuel semble décidément très contre-productif sur le Continent noir.

Surtout lorsque l’on constate que, feignant de craindre une grande opération française contre les nouveaux despotes du Niger, d’autres dictatures récentes de la région – Mali, Burkina Faso, Centrafrique – menacent Paris d’une riposte collective si Niamey était attaquée. Menace évidemment sans fondement politique, et, sur le plan militaire, dérisoire jusqu’au ridicule. Mais qui, malgré l’actuelle (et fragile?) fidélité du Tchad, semble bien confirmer que sonne, avec cette évacuation des Français du Niger, le glas d’un certain rêve français pour l’Afrique.

Des Nigériens manifestaient dimanche dernier avec des drapeaux russes contre la présence française au pays
Des Nigériens manifestaient dimanche dernier avec des drapeaux russes contre la présence française au pays Photo: AFP