La pandémie passe, la Squatfabrik reste. Lorsque le coronavirus a surgi au printemps 2020, la Kulturfabrik en a profité pour mettre une nouvelle corde à son arc. Soucieux de maintenir la vie dans des locaux désertés par les spectateurs et de soutenir les artistes mis à mal par la situation, elle a lancé le concept de Squatfabrik. Son nom fait certes écho à l’histoire du site culturel, mais le concept marque une nouvelle ère, où il n’est plus seulement question de représentations, mais aussi de résidences d’artistes, pour faire de la KuFa un lieu de vie, de passage, de création.
Pour la troisième édition, du mois de juin au mois de novembre, quatre duos d’artistes profitent d’une durée de résidence qui a doublé pour atteindre un mois. Les résidents ne sont pas obligés de venir ni de repartir avec un projet fixe. Au début du mois de juin, Félix Chameroy était venu de Paris avec des envies d’avancer dans son exploration de formes transformables, dans la droite lignée des recherches du collectif Dynamorphe, dont il est cofondateur et qui développe la notion de fragilité par des créations jouant sur plusieurs échelles (architecture, sculpture ou même objet). „Nous travaillons sur la mise en forme de tissus de manière instable, ce qui passe souvent par de la sculpture gonflable, dépendant de l’air et d’un équilibre qui se met en place entre un air enfermé et une toile qui l’enferme.“ En l’occurence, à Esch, il était davantage question de la recherche d’un équilibre entre une toile qui vient tirer sur une tige et la tige qui la déforme, pour mieux se demander „ce que ces équilibres mettent en forme, comment ils peuvent être perçus, si leur fragilité change le rapport que l’on entretient avec les espaces et les objets.“
Une même idée de rendre visible
Les seules contraintes de la résidence sont celles de devoir laisser l’atelier ouvert au public la plus grande partie du temps et de cohabiter avec un artiste qu’on n’a pas choisi. Là aussi, les deux artistes en résidence sont libres de définir la teneur de leurs échanges, qui peuvent dans certains cas déboucher sur des œuvres communes. Comme la grande majorité des résidents passés, Marco Godinho, le second résident, et Félix Chameroy ne sont pas allés jusque-là. Quand bien même ils se sont trouvés des points de rencontre dans leurs recherches. „C’est deux projets distincts, deux invitations distinctes qui font une rencontre“, résume Marco Godinho. „Nous avons beaucoup discuté sur nos pratiques, avec des points de convergence, autour de la question des éléments, de l’incertitude, de l’instabilité.“
„J’ai l’impression que nos pratiques se retrouvent par la curiosité pour de petites choses qui ne sont pas très visibles, mais qui vont prendre des formes très différentes ensuite dans nos travaux respectifs“, acquiesce Félix Chameroy. „Marco va beaucoup regarder autour de lui, remarquer des choses et des objets qu’on ne voit pas forcément, qu’il a peut-être ramassé. Dans mon travail, il y a aussi cette curiosité d’éléments qui se mettent en place concrètement. Au quotidien, on n’a pas trop conscience que nos environnements naturel et bâti sont plutôt fragiles, car ils le sont dans un temps beaucoup plus long que sur des installations qui peuvent concrètement s’écrouler.“ „Ce sur quoi je travaille depuis une vingtaine d’années, c’est cela“, enchaîne Marco Godinho. „Il s’agit de fragilités, la question de l’invisible, de l’environnement, comment nos modes de vie, nos gestes au quotidien nous transforment parfois par des choses minimes. (…) Par le simple fait de mettre en évidence quelque chose qui ne l’est pas vraiment, il y a tout de suite une sorte de basculement des codes. Personnellement, j’aime beaucoup ces petites failles grâce auxquelles on commence à regarder autrement, à se questionner sur autres choses.“
C’est dans la pratique que les deux artistes se différencient sans doute le plus. Marco Godinho est homme à se passer d’atelier et à commencer son travail par la marche. „J’ai un endroit où je travaille, par où je passe, mais l’idée d’atelier ne m’a jamais intéressé. Pour moi, ce sont plutôt des lieux de vie dans lesquels je ramène un supplément de vie, dans une dynamique de déplacement. Je commence souvent par une marche qui me permet peu à peu de constituer une géographie intime.“
Félix Chameroy admet au contraire ne pas être sorti beaucoup de la KuFa, occupé qu’il était avec ses compositions et recherches. Marco Godinho rentrait au „squat“ avec des histoires et des artefacts qu’il a déposés sur un cercle tracé au sol à équidistance de quatre poteaux pour former une constellation de gestes, de corps, qui se présentent comme une „matière à penser“. Il n’en apprécie pas moins les constructions circulaires du membre de Dynamorphe qui jouxtent son installation à l’état brut. „On ne peut jamais capter d’un seul regard ces formes qui s’emboîtent et cela invite à adopter d’autres points de vue.“
Ce sont quelques-unes des idées par lesquelles les spectateurs pourront se rendre compte de la fertilité du concept de Squatfabrik, ce samedi, lors d’un „Get out“. Et ne dites pas „sortie de résidence“, ce serait nuancer la grande liberté dont les artistes jouissent durant leur séjour à Esch.
Braderie urbaine
Le „Get out“ de Marco Godinho et de Félix Chameroy/Dynamorphe a lieu aujourd’hui entre 14.00 h et 18.00 h, dans le cadre de la braderie urbaine, qui propose en outre, dans les murs de la Kulturfabrik, une initiation aux patins à roulettes, une découverte de la peinture et des arts plastiques, un atelier gravure, un marché des créateurs, des DJ-sets et, pour finir, en fin de soirée, une roller-disco.
Les trois prochains duos d’artistes présents à la Squatfabrik seront: „Katarzyna Kot-Bach (LU) & Frame Colectivo (PT) du 11 juillet au 6 août / Chantal Maquet (LU) & Constance de Gabory (FR) du 26 septembre au 22 octobre / Alexandre Alagôa (LU/PT) & Ida Lissner (DE), du 31 octobre au 26 novembre
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können