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Jubilé d’argent

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Le Festival of Speed de Goodwood est un rendez-vous incontournable pour les adeptes du sport automobile. Hugues Dumont pour sa part, a participé pour la 22e fois au Festival of Speed. Comme chaque année il est rentré avec plein de souvenirs inoubliables.

De Hugues Dumont (Texte et photos)

Flashback. Décembre 2017. La dépêche vient de tomber sur l’écran. Le Duc de Richmond, aussi appelé Lord March vient de confirmer les dates du 12 au 15 juillet 2018 pour commémorer le „Jubilé d’argent“ du Festival of Speed de Goodwood. Mon premier réflexe consiste à prendre mon agenda électronique pour bloquer immédiatement les dates. Pour une fois l’événement ne tombe pas en même temps que «Le Mans Classic». Néanmoins les dates ne sont pas idéales car elles coïncident avec le week-end des finales de Wimbledon et surtout de la Coupe du Monde de football avec une équipe d’Angleterre que l’on annonce particulièrement compétitive et prometteuse. Qu’importe, impossible d’imaginer un instant de manquer le 25e anniversaire de ce Festival de la vitesse considéré par les spécialistes comme le plus grand événement mondial autour de la culture automobile. Alors que les salons classiques, trop statiques, en perte de popularité, commencent à être désertés, tout ce qui roule, tout ce qui va vite, peu importe son époque, se retrouve dans l’enceinte de plus en plus prisée du Domaine de Charles Gordon Lennox March devenu le 11e Duc de Richmond.

Lorsque ce dernier évoque d’ailleurs le chemin parcouru depuis la création du premier Festival of Speed, quelques anecdotes lui reviennent directement à l’esprit. „En juin 1993, nous disposions d’un budget de 100.000 livres sterling. Le premier Festival se déroulait en juin le même week-end que les 24 heures du Mans. Nous espérions environ 3.000 visiteurs car John Surtees, Stirling Moss, Jack Brabham, Dan Gurney et Jackie Stewart étaient à l’affiche de l’événement. En réalité 25.000 personnes ont poussé les grilles du château.“
Tandis que Lord March se promenait dans ses jardins, il tomba sur une voiture particulièrement mal garée. Il apprit rapidement que son propriétaire n’était autre que le regretté George Harrison qui était venu «incognito» ayant payé sa place comme le commun des mortels. Inutile de préciser que les deux hommes sympathisèrent rapidement et que George Harrison termina sa soirée au piano et à la harpe dans un des salons du château. Depuis le surnom de «Badly parked Beatle» lui est resté collé à la peau.

Que de bons souvenirs en 25 ans se rappelle encore le châtelain des lieux. De 80 personnes en 1993, le staff compte aujourd’hui une équipe de 720 professionnels dédiée à la bonne organisation dans les moindres détails. Aujourd’hui, le Festival of Speed se tient désormais à guichets fermés, le nombre étant limité à 200.000 spectateurs, de quoi faire pâlir de jalousie tous les promoteurs de grands prix de formule 1. Revenons donc à cette édition jubilaire qui n’aura pas failli à sa réputation de plus beau rassemblement de bolides. Tout d’abord Porsche a profité du Festival of Speed pour commémorer de façon spectaculaire son 70e anniversaire. Pour respecter la tradition, une sculpture monumentale de 52 mètres de haut a été érigée devant la Goodwood House. Créée pour l’occasion par le designer Gerry Judah, la sculpture était ornée en ses extrémités d’une 917 Gulf Le Mans, d’une 959 Dakar special, d’une 356 Coupé, d’une 991 Série R, d’ une 918 Spyder et bien entendu de la 919 Hybrid, triple récente vainqueur au Mans.

Egalement présente pour fêter son 70e anniversaire, Lotus avait déplacé deux bijoux de la firme britannique à savoir la Lotus Climax 25 championne du Monde 1963 avec Jim Clark qui avait remporté sept grands prix sur dix départs ainsi que la Lotus 97T au volant de laquelle Ayrton Senna inscrivit sa première victoire en grand prix à Estoril en 1985.
Enfin Land Rover aussi a marqué d’une façon originale ses 70 ans. Un cortège de 70 modèles indémodables a remis en mouvement toute la gamme de la marque combinant le premier prototype de 1948 jusqu’aux récents Discovery, Range Rover, Evoque et Velar.
Mais la touche humoristique „so british“ fut sans conteste la prestation du cascadeur Terry Grant, détenteur d’une vingtaine de records du monde aux commandes d’engins motorisés. Après un premier échec, ce dernier a finalement réussi son pari insensé de conduire une Range Rover Sport SVR sur deux roues sur toute la longueur de la piste.

Que ce soit la formule 1 avec un plateau de 150 voitures historiques ou actuelles conduites par des pilotes de renommée comme Jackie Stewart, Emerson Fittipaldi, Martin Brundle, Valtteri Bottas, Stoffel Vandoorne, Arturo Merzario, Stefan Johansson, Mark Webber (pour n’en citer que quelques uns …), que ce soit le super tourisme, le rallye (avec Sébastien Ogier tout heureux de découvrir l’événement) le Nascar, l’American Racing ou l’Indy Cart, Goodwood en offre pour tous les goûts.

L’endurance reste elle aussi toujours magique dans le coeur des Anglais. 22 anciens vainqueurs des 24 heures du Mans avaient tous répondu à l’invitation de Lord March dont Tom Kristensen, neuf fois titré, Biela, Pirro, Bell, Van Lennep et Dumas. Probablement soulagée par son premier sacre dans la Sarthe qui s’est tant fait attendre, la firme nippone a exposé sa Toyota TS050 Hybrid victorieuse aux mains d’Alonso, Buemi et Nakajima.
La Porsche 911 RSR surnommée «cochon rose» qui s’est imposée en catégorie GT en juin dernier complétait un superbe plateau avec à son volant Laurens Vanthoor. Neel Jani a repris les commandes de la Porsche 919 Hybrid lauréate à trois reprises au Mans (2015-2017) dont la récente version EVO lui a permis de décrocher le record absolu de la piste de SPA en avril dernier.

Si les ingénieurs de la firme de Stuttgart avaient prévenu qu’ils ne tenteraient pas de battre le record de la piste de Goodwood, ceux de Volkswagen avaient clairement afficher leur objectif de fixer une nouvelle référence après avoir réalisé le record de Pikes Peak en juin dernier. En effet le Volkswagen IDR revenu en direct du Colorado par avion avait fait l’objet d’une préparation spéciale pour permettre à Romain Dumas de signer un nouveau chrono de 43″05 à sa dernière tentative pour la catégorie électrique. Le record absolu reste détenu par l’allemand Nick Heidfeld en 41″60 au volant de sa McLaren F1 MP4/13 à plus de 162 km/h sur cette piste étroite, glissante, poussiéreuse et bosselée avec comme simple protection des ballots de paille. Depuis, pour des raisons compréhensibles, les F1 actuelles ne sont plus officiellement chronométrées.

Le Festival of Speed se conjugue aussi au futur au rythme de l’innovation technologique avec la Robocar. La première voiture de course autonome, propulsée par quatre moteurs électriques développant 500 chevaux, est appelée à disputer les courses d’ouverture de la formule E à partir de 2019. Elle a donc naturellement fait ses premiers tours de roue sur la piste de Goodwood au plus grand bonheur de ses concepteurs.

Goodwood est aussi connu au fil des années comme un lieu où les collectionneurs se retrouvent à la vente aux enchères organisée par Bonhams, société spécialisée dans les voitures avec «pédigrée d’exception» et donc très recherchées. Cette année encore 57 voitures sur les 88 mises en vente ont trouvé acheteurs dont la fabuleuse Aston DB4 Zagato immatriculée 2VEV ayant appartenu à Jim Clark pour la modique somme de 10,1 millions de livres.

Plus raisonnables furent les 3,4 millions de livres déboursées pour acquérir une BMW507 achetée en 1958 par le patron de MV Agusta et offerte «en cadeau» au regretté John Surtees en récompense de son premier titre mondial en 500CC moto. Pour les nostalgiques d’objets «collectors», Bonhams avait mis aux enchères les casques originaux portés par Ayrton Senna le 2 mars 1994 lors d’essais avec la Williams au Paul Ricard, ainsi que celui du Champion du monde F1 1958 Mike Hawthorn et de Juan Manuel Fangio.

La prestigieuse firme Rolls-Royce dont l’usine se trouve à deux pas du circuit de Goodwood a créé le buzz en dévoilant son premier SUV baptisé «Cullinam». Les prototypes SUV avaient été spécialement mises en conformité aux normes FIA pour assurer les dépannages éventuels des bolides sur la piste. Outre la chaleur avoisinant les 40 degrés tout le week-end, s’il fallait retenir une image ou une phrase caractérisant ce jubilé exceptionnel, c’est celle de René Arnoux sortant de sa Renault F1 RS01 qui me confiait émerveillé déjà être venu à dix reprises au Festival avant de conclure dans la foulée: «Comment est-ce possible d’en avoir raté quinze?» Comme quoi les grands champions habitués de Goodwood n’en sont jamais rassasiés.