Headlines

ExpositionEntre science et art: Jean Painlevé, biologiste et réalisateur, au Jeu de Paume

Exposition / Entre science et art: Jean Painlevé, biologiste et réalisateur, au Jeu de Paume
Henri Manuel: Jean Painlevé dans „L’Institut dans la cave“, s.d. – Epreuve gélatino-argentique d’époque  Photo: Les documents cinématographiques/Archives Jean Painlevé

Jetzt weiterlesen! !

Für 0.99 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Jean Painlevé (Paris 1902 – Neuilly-sur-Seine 1989) est l’invité, cet été, du Jeu de Paume. A la fois biologiste et réalisateur reconnu par l’avant-garde, notamment les surréalistes, il filme le monde du vivant. Depuis des espaces parallèles – il n’y a qu’à songer à l’hippocampe ou aux amours d’une pieuvre – se déploient des vies et des formes qui ne cessent d’abreuver notre curiosité et notre goût de l’abstraction, lorsque le détail envahit l’écran.

Par la grâce du cinéma, le scientifique Jean Painlevé, fasciné par le vivant et surtout la faune aquatique, tout près de nous, sur le rivage, s’emploie à nous le faire découvrir. Gros plans, commentaires écrits et insérés dans les films, sur fond musical, il nous livre des univers documentaires de manière inédite, faisant varier les échelles, partant de nos références pour nous perdre dans les détails anatomiques et ô combien graphiques d’un oursin, d’une crevette, par exemple. Son film, „L’Hippocampe“ (1931-1934) est l’un des plus réputés. Il filme les hippocampes dans les eaux troubles du bassin d’Arcachon et découvre au studio ICS à Montparnasse le problème de prolifération bactérienne, problème qu’il résout en maintenant les embryons dans le champ du microscope, dans des micro-aquariums à eau courante. On le voit, il s’agit ici beaucoup de technique et de science, pour parvenir à un tel résultat. Jean Painlevé est également absorbé par l’adaptabilité des animaux pour survivre.

Il est évident que le mouvement, spécifique au cinéma, ajoute une grâce ou une puissance étonnante aux formes …

Jean Painlevé, biologiste et réalisateur

Abstraction et beauté

Outre ses films, son œuvre, illustrée par des photogrammes, est publiée dans des revues. Et dans l’un de ses écrits,L’Hippocampe ou cheval marin“, il décrit les caractéristiques de celui-ci, morphologie, locomotion, posture, respiration, accouchement par le mâle. Evidemment, l’hippocampe, déjà objet de légende, devient fascinant – tout comme cette créature étrange qu’est la pieuvre et qui sera l’objet d’un autre de ses célèbres films. Les surréalistes débusquent cette étrange beauté, faite d’érotisme et d’abstraction. Quant aux féministes, elles agitent l’étendard de l’égalité. Le champ d’appropriation et parfois d’identification – comme si pour approcher un animal, il fallait en passer par là – est vaste. Le pari esthétique est gagné, sans pour autant que Painlevé la recherche – son œil de scientifique le fera s’approcher jusqu’à la folie du détail d’êtres vivants. „Le film est l’art le plus réaliste qui soit, l’art pur … Le film travaille avec une matière première: les choses réelles.“ (Jean Painlevé)

En passant du microscopique au macroscopique, la pince d’un homard devient la projection assez inattendue d’un visage, tel que le précise l’intitulé de la photo, „Pince de homard ou Charles de Gaulle“ (vers 1929). Ce „visage“ outre cette correspondance comique peut, si l’on en oublie le titre, inquiéter, car la pince, assez méconnaissable, a quelque chose de prédateur. Ainsi vont les projections sur les images et les films de Jean Painlevé.

La musique accompagne ses films, jazz ou musique classique, des compositeurs célèbres, comme Pierre Henry ou François de Roubaix. N’oublions pas sa compagne d’une vie, Geneviève Hamon, qui l’a assisté dans ses travaux. Les documentaires projetés pour le public connaissent un grand engouement. Ce travail de vulgarisation vient en parallèle de travaux plus scientifiques, s’adressant à d’autres publics. Jean Painlevé est un personnage célèbre, engagé politiquement contre la guerre et le fascisme. Certains d’ailleurs verront dans son film „La Pieuvre“ (1928) une allusion à la montée du fascisme, tant la tension de l’animal est grande. Plongée dans un aquarium, elle s’agrippe frénétiquement aux parois.

„Une forme d’éternel“

„Il est évident, écrit Jean Painlevé, que le mouvement, spécifique au cinéma, ajoute une grâce ou une puissance étonnante aux formes … Simples ou compliqués, les lignes et les rythmes s’enregistrent comme une forme d’éternel. C’est une mission du cinéma de transmettre à l’homme cette évocation de la Nature dans ce qu’elle a de plus inéluctable, de plus cosmique.“

Après la Seconde Guerre Mondiale, Jean Painlevé, en 1950 et 1960, filme en couleur, mêlant des séquences anciennes aux nouvelles visions, créant un rythme particulier pour ses travaux consacrés aux oursins et aux crevettes.

D’autres univers mouvants et esthétiques apparaissent, comme les ondulations d’un mollusque, semblables à celles d’une danseuse. Son film, „Acera ou le bal des sorcières“ (1978), offre un monde de vibrations et de beauté délicate.

On voit bien, l’œuvre de Jean Painlevé rapproche science et l’art, ce qui inspire nombre d’artistes. Par ses progrès, la vision et l’imaginaire se conjuguent à des mondes nouveaux, jusque-là insoupçonnés.

Buste d’hippocampe, vers 1931 – Epreuve gélatino-argentique d’époque
Buste d’hippocampe, vers 1931 – Epreuve gélatino-argentique d’époque Photo: Les documents cinématographiques/Archives Jean Painlevé

Infos

Jean Painlevé: „Les pieds dans l’eau“
Jusqu’au 18 septembre 2022
Jeu de Paume
1, Place de la Concorde
F-75001 Paris
www.jeudepaume.org