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This Hard Minett LandBorder Guard

This Hard Minett Land / Border Guard
Des douaniers luxembourgeois posant devant la guérite qui leur sert de bureau frontière, 1936 Foto: Musée des Douanes et Accises, Luxembourg-Hamm; photo retravaillée par l’artiste Dan Altmann

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Si nous y réfléchissons, la plupart de nos droits et de nos devoirs ont été déterminés par le pays où nous sommes nés et les terres que nous avons habitées. Puisque le territoire est conditio sine qua non des États passés et présents, qu’en est-il des frontières nationales, des confins qui touchent, mais regardent avec une distance prudente les contrées étrangères? Quelles situations et quels individus abritent ces zones frontalières?

Ces questions ont peut-être traversé l’esprit de Bruce Springsteen lorsqu’il écrivait „Border Guard“, inspiré par les agents qui patrouillaient le long de la tristement célèbre frontière américano-mexicaine dans les années 1960 et 1970. „Pity the border guard whose life guards the line“, chante Springsteen sur un ton triste. Les gardes-frontières sont en effet payés pour garder cette ligne. Si l’on prend la frontière du Minett qui longe les territoires français, luxembourgeois et belge, qu’en était-il des gardes-frontières, des agents des douanes dont la tâche était d’empêcher les franchissements illégaux de la frontière?

Avant la mise en œuvre de l’Accord de Schengen et du Traité de Maastricht, les postes de contrôle et les bureaux de dédouanement faisaient partie intégrante des frontières intérieures de l’Europe occidentale. Il y avait aussi le service de campagne, constitué par les brigades d’observation ainsi que par les patrouilles mobiles. Ces dernières étaient, quant à elles, composées au Luxembourg de deux agents qui surveillaient activement la frontière à vélo ou, si le terrain ne le permettait pas, à pied. Le tracé géologique du Minett, avec son terrain accidenté et ses forêts, obligeait le service mobile à marcher pendant des kilomètres, qu’il pleuve, qu’il vente ou que la neige recouvre les prés, les usines, les arbres ou les toits d’un blanc immaculé. L’objectif? Repérer toute activité suspecte menée par les contrebandiers, qui profitaient de la différence de prix de certaines marchandises comme le pain, le tabac ou le beurre. Depuis la fin du XIXe siècle, la croissance sans précédent de l’industrie sidérurgique et minière a entraîné l’augmentation de la population urbaine et salariée dans le sud du Luxembourg. Donc des échanges commerciaux transfrontaliers (licites et illicites) ont également accru la charge de travail des douanes.

A la fin de la Première Guerre mondiale et avec la sortie du pays du Zollverein, Auguste Liesch est nommé premier directeur luxembourgeois dans l’histoire des douanes. Devant les autorités nationales, notamment le ministère des Finances, Liesch n’hésite pas à défendre inlassablement les droits des agents douaniers. Il ne s’agit pas seulement d’une question d’allocation monétaire pour augmenter le salaire du „service de campagne“. Il dénonce aussi les mauvaises conditions de travail dans les équipes périphériques du pays. Alors que l’on attendait des agents qu’ils se comportent avec neutralité et sang-froid pour intercepter les fraudes potentielles à la frontière, ces mêmes agents étaient en sous-effectif, mal payés et logés dans des baraques décrépies. Ces contradictions ne passent pas inaperçues auprès de Liesch, comme en témoigne une lettre adressée au directeur général des finances le 30 décembre 1921:

„Dans le service de campagne de la douane nos agents sont astreints à s’abriter derrière une haie, avec un sac fourré pour la nuit; aussi tout ce qu’on a pu rencontrer comme ‚bâtiment’ à cette époque et dans ces parages, ce sont quelques misérables guérites d’un à deux mètres carrés de surface, et placées aux endroits par trop exposés aux intempéries. […] Car il ne faut pas perdre de vue, qu’un aménagement convenable s’impose non seulement au point de vue des agents de la douane nullement obligés de faire à l’État le sacrifice de leur santé, mais encore par égard pour le public. […] Vous savez, Monsieur le Directeur Général, comment nous sommes logés tant à Bettembourg qu’à Wasserbillig, vous connaissez surtout les conditions infernales dans lesquelles nos agents travaillent à Esch-sur-Alzette. Peut-on imaginer quelque chose de plus antihygiénique, de plus inhumain que ce bureau d’Esch? Si demain ces malheureux s’avisaient à mettre bas les armes, qui pourrait leur en vouloir? Qui oserait les contraindre à travailler dans un local qui est un défi au bon sens, et un véritable outrage à la simple dignité humaine?“

Et la lettre a porté ses fruits! Les autorités luxembourgeoises ont reconsidéré la stratégie à mettre en œuvre, en ajoutant des unités supplémentaires là où c’était nécessaire et en augmentant le budget consacré au logement des officiers. Avec son talent naturel de narrateur, puisqu’il a également écrit de nombreux romans et récits en luxembourgeois, Liesch a semé la graine pour l’amélioration du service douanier dans les décennies suivantes, surtout après les années 1960. Plus important encore, le premier directeur luxembourgeois des douanes a placé le bien-être de ses employés au premier plan de ses préoccupations, au lieu de se contenter de traiter des statistiques depuis l’administration centrale.

Le grand-duché de Luxembourg, connu comme un pays fait de frontières, a toujours entretenu des relations politiques et économiques intimes avec ses voisins par la circulation des biens, des personnes et des idées. Même s’ils ne sont que des points imaginaires disposés les uns après les autres, les frontières sont et ont toujours été en mouvement, ou, comme dirait le philosophe français Gilles Deleuze, „en devenir“. Avec elles, la vie de certains a été façonnée par la ligne et son entourage. Springsteen affirme que „he who made the open plains, and the world one and all, could not have conceived with a barbed-wire brain“. De son côté, le Minett n’avait pas que des plaines, mais toute une pléthore de paysages et d’obstacles naturels auxquels les douaniers devaient faire face. Quant aux fils barbelés, on n’en trouvait heureusement nulle part en période de paix, ni dans le paysage du Minett ni dans le cerveau de nos braves douaniers, qui, grâce à l’effort de quelques-uns, ont pu vivre et travailler dignement …

Sur l’autrice

Irene Portas Vázquez est doctorante en histoire contemporaine au Luxembourg Centre for Contemporary and Digital History (C2DH) de l’Université du Luxembourg et fait partie du projet „Remixing Industrial Pasts in the Digital Age“, un projet Esch2022. Ses recherches portent sur les activités clandestines ayant eu lieu à la frontière franco-luxembourgeoise dans la période de l’entre-deux-guerres. Elle a écrit la section „Le Minett et les frontières“ de l’exposition „Remixing Industrial Pasts: Constructing the Identity of the Minett“ que l’on peut visiter jusqu’au 15 mai 2022 à la Massenoire à Esch-Belval.

Border Guard

Bless on the border guard so cold and alone
Bless on the child so far from home

Pity the border guard who feels like a woman to cry
Pity the border guard whose life guards the line
A line is a funny thing, a border, sometimes
A line is a hurting thing, used only to divide

I pity the refugee whose home lies behind
I pity the border guard and his border line
He keeps his machine gun nose pointed to the sky
The night time is his master and you know the dawn light brings his captor

And I pity the border guard, as he walks, well as he walks his own
The echo of his footsteps is all a friend would know
A home is a funny thing, you get tied to the earth
Like love is a crazy thing in the eyes of a child

I pity the border guard whose soul taken captive at birth
May the sweet brace him free and show him how to be so wild
Yes, a line is a funny thing, a border, sometimes
A line is a hurting thing, used only to divide

He who made the open plains and the world one and all
Could not have conceived with a barbed wire brain for the building of the wall
And at night I keep my fire bright that I may be safe when I sleep
Till I wake on that wonderful morning with no more light, well maybe, oooh

Bruce Springsteen

Die Serie „This Hard Minett Land“

Von März bis Oktober 2022 laden das Tageblatt, das Luxembourg Centre for Contemporary and Digital History (C2DH) und capybarabooks die LeserInnen jeden Freitag zu einer besonderen Entdeckungsreise durch Luxemburgs Süden ein. Rund vierzig SchriftstellerInnen und HistorikerInnen lassen sich von Bruce Springsteens Songs inspirieren und schreiben Texte über das luxemburgisch-lothringische Eisenerzbecken, de Minett, sowie über diejenigen, die dort geboren oder dorthin eingewandert sind, dort gelebt, gearbeitet, geliebt, geträumt, gehofft, gekämpft, Erfolg gehabt oder versagt haben. Begleitet werden die Texte in deutscher, englischer, französischer und luxemburgischer Sprache von Illustrationen des Luxemburger Künstlers Dan Altmann. Im Herbst erscheinen sämtliche Texte und Zeichnungen dann versammelt in Buchform bei capybarabooks. Bis dahin heißt es: „Son, take a good look around/this is your … Minett Land!“