C’est donc autour du soleil et de sa perception en art, de l’évolution de sa place dans la représentation, que tournent le temps et les œuvres ici présentées, en faisant du moment impressionniste un moment fort, un point de bascule. Nombre de peintres sont invités pour la circonstance, et non des moindres. Cette exploration du soleil dans les arts commence par l’Antiquité, au moment où, déifié, le soleil, symbole de puissance et de joie, mène le monde, passe en revue les siècles – en puisant, entre autres, dans des dessins rares, des peintures et des photographies provenant de l’Observatoire de Paris – jusqu’à nos jours.
L’Egypte, mais aussi la Grèce, Rome, font du soleil une divinité, l’élan vital de l’existence. Les peintures du Moyen Age et de la Renaissance lui accordent une autre place. Au moment où un Dieu unique apparaît dans la Bible, le soleil prend une importance relative. Sa représentation, dans les scènes de crucifixion, le cantonne à un visage dans un cercle lumineux, avec son pendant, la lune. Sauf que le soleil séduit par ce qu’il symbolise. Ainsi Louis XIV, le Roi Soleil, sensible aux thèmes mythologiques, fait orner ses appartements à Versailles du „Char d’Apollon“ et notamment du „Lever du Soleil“ de Charles de La Fosse. Louis XIV fonde également l’Observatoire astronomique de Paris, pour servir la recherche scientifique.
L’heure est aux découvertes, on sait désormais que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil. De célèbres astronomes européens, Cassini, de l’université de Bologne, le vénitien Coronelli, auteur des globes terrestres, y sont invités. Les études, les instruments de mesure apportent de nouvelles informations, celles-ci sont soigneusement répertoriées et imprimées. Les artistes coopèrent et illustrent, notamment par des gravures, des événements majeurs comme les éclipses. Ces découvertes ne vont pas sans une évolution dans le domaine de l’art. Jusqu’au moment où celui-ci s’éloigne de la science, pour un autre soleil. Avec une préférence pour le paysage et ce qu’il peut offrir de romantisme, de mystère, d’impression. Il s’agit de lumière, de soleil levant ou couchant, de la possibilité technique de la peinture de représenter une telle lumière, jusqu’à sa simplification, comme une métaphore, lorsqu’il s’agit de notre époque, avec les toiles de Fromanger, par exemple.
L’expérimentation de la lumière
Nous pouvons admirer les paysages de Rubens, Claude Le Lorrain, Turner, Courbet, Caspar David Friedrich. Chaque fois, le traitement du paysage s’accompagne d’une technique et d’une représentation affranchies des anciens codes, grâce à l’expérimentation de la lumière. Si l’on considère le „Matin de Pâques“ (1828/1835) de Caspar David Friedrich, le soleil devient un interlocuteur, le témoin de liens invisibles entre la nature et l’homme, dans un romantisme qui exalte l’une et l’autre. „Un peintre devrait peindre non seulement ce qu’il voit devant lui, mais aussi ce qu’il voit à l’intérieur de lui“, écrivait Friedrich, dans le désir de convertir un monde matériel en vision spirituelle.
Chez Turner, avec „The Sun Setting Through Vapour“ (1809), le soleil et ses reflets, l’eau en contrepoint, semblent faire fondre la couleur et le paysage. La lumière est maîtresse de l’espace, par la trouée au centre de la toile, un espace par ailleurs fortement structuré par les mâts du navire au loin et les êtres humains en groupes.
La révolution impressionniste pose le paysage, le visible, comme seul sujet. Le saisir dans sa fluidité, son caractère éphémère, variant et coulant, là aussi, au rythme de la lumière. „Impression, soleil levant“ (1872) de Claude Monet, oblige à changer de repères, tant tout semble bouger. Les silhouettes sur leurs barques sont aussi légères et fluides que l’eau, que l’air, dans un miroitement de lumière, et le soleil, au fond, est incontournable, d’un rouge orangé profond.
De nouvelles recherches au XIXe siècle sur les origines et les formes de la lumière permettent une nouvelle approche picturale, la division systématique du ton. Le tableau retrouve sa structure sous l’effet du pointillisme. Georges Seurat en a le premier l’idée. Faire quelque chose de stable et de durable tout en décomposant la lumière. Derain fera évoluer le principe. Moment important, car il s’agit d’un retour à un art construit, tel que le revendiquera également Cézanne. La fin du XIXe siècle, fort là aussi des avancées et des observations scientifiques, transforme le soleil en un astre envahissant. Le champ de vision lui semble entièrement dédié, soumis à son irradiation. Cette proposition esthétique, cet envahissement, sont à leur comble au début du XXe siècle. Car le champ esthétique évolue également, fragmentant, privilégiant, dans son espace, un agrandissement volontaire, symbolique. En passant par Sonia Delaunay, Otto Freundlich, et en arrivant aux toiles colorées, prises dans le rayonnement d’astres, de Fromanger, il s’agit là d’une irradiation parfois simplificatrice, dans laquelle les êtres vaquent au quotidien.
Infos
„Face au soleil, un astre dans les arts“
Jusqu’au 29 janvier 2023 au Musée Marmottan Monet
2, rue Louis Boilly
75016 Paris
www.marmottan.fr
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können