London Rhapsody„Judy“ de Rupert Goold

London Rhapsody / „Judy“ de Rupert Goold
Renée Zellweger dans le film „Judy“ Foto: dpa

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Après le succès de „Bohemian Rhapsody“ dans la course aux Oscars en 2019, Hollywood remet le couvert du biopic musical en s’intéressant à l’actrice et chanteuse américaine Judy Garland.

Il semblerait qu’un nouveau sous-genre soit né dans les „films biographiques“: celui du biopic musical qui, pour s’assurer de séduire le plus large public possible et les membres de l’Académie des Oscars, ne se contente plus de résumer la vie d’une célébrité à l’écran, mais s’intéresse à des stars de la chanson, pour pouvoir consacrer un temps fou à reprendre leurs tubes ou à faire revivre des concerts qui marquèrent l’Histoire.

Après „Bohemian Rhapsody“ et „Rocketman“ qui retraçaient respectivement la vie de Freddie Mercury et d’Elton John, Hollywood s’intéresse à présent à Judy Garland, la star américaine dont la carrière commença en 1935 à l’âge de 13 ans. Si le film consacré au chanteur de „Queen“ passait notamment plusieurs minutes à nous faire revivre le concert du „Live Aid“ de 1985, „Judy“ lui, se focalise sur les performances données par Garland au Talk of the Town de Londres, un an avant sa mort.

Le long-métrage de deux heures structure sa narration en deux lignes de temps parallèles: le présent de 1968, et les flashbacks qui nous replongent dans l’adolescence de l’enfant-star, alors qu’elle était modelée par Louis B. Mayer et les studios américains. A l’ère post Weinstein et #metoo, mettre en lumière le destin de Judy Garland – petite fille qui devint femme, actrice, chanteuse et star sous la coupe du vice-président de la Metro Goldwyn Mayer, enfant à qui l’on interdisait de manger pour qu’elle conserve sa ligne, que l’on droguait à coups d’amphétamines pour couper sa faim et la faire tenir durant les interminables heures de travail – aurait pu constituer un sujet fascinant et l’occasion de dénoncer en profondeur les diktats de l’industrie cinématographique et des canons de beauté, ainsi que la domination perverse et abusive de certains hommes de pouvoir.

„Judy“ aborde différentes thématiques compliquées – les addictions de la star; ses troubles alimentaires nés avec le régime infligé par le milieu dans lequel elle s’est construite; le rôle de Mayer dans son existence … Mais l’on reste en superficie du drame, on ne révèle pas en profondeur tous les mécanismes pervers d’un système révoltant. On choisit plutôt de passer d’interminables séquences à écouter et regarder Renée Zellweger chanter les succès de l’artiste: „Somewhere over the Rainbow“, „Get Happy“ ou „Come Rain or Come Shine“. Pourquoi? Quand on pourrait apprécier le spectacle d’origine et les images d’archives, autrement plus touchantes et troublantes, chez soi?

Un arbre rongé de l’intérieur

Zellweger est juste et parvient à émouvoir dans l’interprétation qu’elle offre d’une célébrité qui ne semble jamais s’être appartenue véritablement mais donne l’impression d’un arbre rongé de l’intérieur, dont la sève aurait été pompée par les producteurs, bookers, managers et autres maris parasites. Il est passionnant de voir fluctuer les humeurs de cette frêle femme, tantôt révoltée contre ceux qui ne lui laissent aucun répit et ne prennent jamais en compte l’être humain derrière la star, tantôt incapable de laisser la scène à autrui et bien décidée à revendiquer sa place sous les projecteurs. La scène est une addiction supplémentaire, comme les drogues, l’alcool, les hommes ou les médicaments.

Mais la scène est également l’endroit où l’artiste peut reconnecter avec son talent profond et sa grande force, celle-là même qui la redresse lorsqu’elle est titubante, qui lui rend sa diction lorsque sa bouche est pâteuse et asséchée, qui ravive son humour quand tout son être crie la souffrance. Comme une Barbara chantant à son public „Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous“, Zellweger incarne le besoin de Garland de se donner à ses spectateurs et de trouver en eux sa légitimité et sa raison d’être.

On regrette la réalisation des plus classiques, les moments sirupeux (feux d’artifice dans l’église, fraternité du couple d’amis homosexuels, …) et les interminables séquences chantées. Il y avait, dans le parcours de Garland, du sens et une forte symbolique à exploiter. Mais malgré la performance de Zellweger et certains dialogues bien trouvés, on trouve le temps long et l’on est frustré de ne pas traiter en profondeur les nombreuses thématiques passionnantes abordées en surface.