Les Nations unies ont prédit depuis 2012 que Gaza serait „invivable“ en 2020.(1) Même sans pandémie, Gaza est aujourd’hui un territoire où l’on ne pourra bientôt même plus simplement „survivre“: l’eau y est impropre à la consommation humaine, 70% de la population se trouvent dans l´insécurité alimentaire, l´électricité n’est disponible que par intermittence et l’accès aux médicaments et aux vivres essentiels y est dramatiquement limité. Les infrastructures sanitaires, médicales et hospitalières ont été largement endommagées, parfois détruites, dans le cadre de trois agressions militaires israéliennes particulièrement meurtrières.
Le lockdown que nous vivons en Europe et dans le monde depuis un mois et demi est total à Gaza depuis 14 ans. Les habitants ne peuvent s’enfuir nulle part. Ils ne peuvent que rester chez eux, dans leurs logements trop étroits pour accueillir leur famille nombreuse. Près de 70% d’entre eux vivent dans des camps surpeuplés, comme la plupart des réfugiés dans le monde.
Corona-Apartheid à Jérusalem-Est
Jérusalem-Est, ayant été illégalement annexée et intégrée de force dans l’ „agglomération de Jérusalem“, est exclusivement gérée par les autorités israéliennes. Après un bref semblant de coopération entre autorités israéliennes et palestiniennes, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que les réflexes automatiques des autorités israéliennes ne reprennent le dessus. D’un côté, on constate l’accentuation des restrictions de déplacements et le partage au compte-gouttes des outils médicaux et sanitaires de base et, de l’autre, l’accentuation des mesures habituelles et quotidiennes de répression: incursions nocturnes de l’armée, arrestations arbitraires, emprisonnements „administratifs“, violences croissantes et plus agressives des colons israéliens, destructions de maisons palestiniennes pour y implanter des colons, préparatifs de l’annexion de la Vallée du Jourdain, etc.
Les Palestiniens de Jérusalem-Est sont donc seuls, d’autant plus que l’Autorité palestinienne ne dispose d’aucune juridiction sur Jérusalem-Est suite à son annexion par Israël.
Et les prisonniers politiques palestiniens?
Au nombre de 5.000 début avril 2020 (dont 432 prisonniers „administratifs“, 41 femmes, 7 membres du Conseil législatif palestinien (parlementaires et 183 enfants, dont 20 en dessous de l’âge de 16 ans, selon Addameer(2)), les prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes sont particulièrement vulnérables. Et leur nombre s’accroît tous les jours.
Selon Addameer, „… Covid-19 présente un danger particulièrement aigu et immédiat pour les prisonniers et détenus palestiniens, qui subissent déjà de terribles conditions de détention; les prisons israéliennes constituent un dangereux terrain de reproduction pour le Covid-19 et aggravent la vulnérabilité des prisonniers et détenus palestiniens, des centaines d’entre eux souffrant actuellement de maladies chroniques non traitées“.
Non souverains face à la crise!
L’OMS a averti qu’un grand nombre de patients à Gaza provoquerait l’effondrement de son système de santé. Si déjà dans nos pays dit développés, les systèmes de santé touchent à leur limite, essayons d’imaginer ne fût-ce qu’un instant ce que cela peut donner dans des pays dit „sous-développés“ et, plus encore, occupés comme le sont la Palestine, le Sahara occidental et quelques autres.
Dépendants que sont les Palestiniens du bon vouloir de l’occupant, les restrictions et violations des droits humains auxquels ils font face d´habitude ont un effet plus dramatique encore: l’accès aux médicaments, aux soins, à l’eau, sont impossibles parce que l’occupant accapare la plus grande partie de ces ressources, empêche les déplacements qu’exigerait l’accès à des hôpitaux et la distanciation dite sociale est difficilement praticable, voire impossible. 50% des habitants de Gaza sont sans emploi et 70% de la population vivent en dessous du seuil de la pauvreté. La plupart des travailleurs occasionnels ont perdu leurs petits boulots suite au confinement. Les prévisions des Nations unies et de l’OMS deviennent des faits sur le terrain. Aujourd’hui, les Palestiniens se trouvent doublement démunis, face à un nouvel ennemi, cette fois invisible.
Appels du CPJPO
Dans ce contexte, le CPJPO a décidé de relayer l’appel de la Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine (la CECP) aux hauts responsables de l’Union européenne (https://www.eccpalestine.org/urgent-call-for-an-emergency-help-for-gaza-end-the-blockade-now/) et envoyé un courrier semblable aux autorités luxembourgeoises (https://paixjuste.lu/gaza-lettre-au-ministre-des-affaires-etrangeres/). Nous y demandons qu’elles „mettent en œuvre immédiatement toutes mesures économiques et politiques y compris des sanctions sous l’égide du droit international, pour qu’Israël mette fin au siège de Gaza; que, en contact direct avec les ministres de la Santé de Gaza et de Cisjordanie, elles assurent la livraison directe aux autorités publiques locales de cargaisons adéquates de fournitures médicales et sanitaires nécessaires à la détection du coronavirus et à la prise en charge des personnes affectées ainsi que des éléments nécessaires à la prévention de la diffusion du virus dans la communauté et dans les hôpitaux locaux; et, enfin, qu’elles permettent à ceux qui ne peuvent être traités à Gaza d’accéder effectivement à d’autres hôpitaux“.
Le CPJPO a aussi lancé début mai une campagne de collecte de fonds en faveur des catégories de personnes les plus fragiles à Gaza, à Jérusalem-Est, parmi les réfugiés et les prisonniers palestiniens. Cette campagne est accessible sur le site de GoFundMe : https://www.gofundme.com/f/la-palestine-a-besoin-de-notre-solidarit?utm_source=customer&utm_medium=email&utm_campaign=p_cp+share-sheet. Nous vous invitons à vous y associer.
Oui, la Palestine a besoin d’un soutien spécial. Du nôtre.
* Les auteurs sont membres du Conseil d’administration du CPJPO.
1 Voir: http://www.unrwa.org/userfiles/file/publications/gaza/Gaza%20in%202020.pdf
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