L’Alsace tente de se différencier de la région Grand Est par le biais d’un statut particulier. Cela ne réjouit pas tous les concernés.
Par notre correspondant Jean-Pierre Cour, Metz
Le goût de l’autonomie pour les Alsaciens est-il un élément déstabilisant pour la nouvelle région Grand Est? Et cette démarche cache-t-elle d’autres stratégies de la part de ce territoire? A ces deux questions, il faut rappeler que l’Alsace, tout comme le département de la Moselle, bénéficie déjà d’un statut particulier en France, le Concordat, né de la présence allemande et différenciant de la France cet espace dans le domaine religieux, associatif ou encore en lien avec la sécurité sociale. Ici, le préfet de région, Jean-Luc Marx, mandaté par le gouvernement, devait faire le point sur cette question. Son
rapport au premier ministre Edouard Philippe vient juste d’être diffusé.
Brexit soft
Préalablement, deux élus alsaciens, Brigitte Klinkert et Frédéric Bierry, avaient remis le 30 mai dernier au préfet de la région Grand Est un rapport proposant une „renaissance de l’Alsace“ sous forme d’une „Eurocollectivité d’Alsace“ bouleversant la constitution française puisque cette nouvelle structure devait avoir en charge (et de façon différenciée avec les régions Lorraine et Champagne-Ardenne), la politique agricole, la mobilité, le bilinguisme, la formation professionnelle, la politique fiscale et sociale de ce nouvel espace presque autonome.
Le préfet de région, Jean-Luc Marx, mandaté par le gouvernement, devait faire le point sur les questions qui se posent.
La démarche proposait donc une sorte de sécession et de déclassement des deux autres régions au sein du territoire national. Cela donnait de surcroît une sorte de prépondérance de l’Alsace avec ses 1,8 million d’habitants contre la Champagne-Ardenne avec ses 1,3 million et la Lorraine avec ses 2,3 millions d’habitants. Cela pouvait même conduire à dissoudre aussi dans le futur le statut concordataire avantageux de la Moselle. „Il existe un désir d’Alsace“, souligne pourtant dans son rapport au premier ministre le préfet Jean-Luc Marx. Ce dernier pourtant représentant de l’Etat et responsable du territoire Grand Est fait ici fi du risque de repli sur soi toujours négatif de l’Alsace et, en creux, du danger de division régionale.
Certaines mauvaises langues n’hésitent plus aujourd’hui à souligner que cet „activisme autonomiste“ est également là pour consolider la place de Strasbourg comme capitale européenne à même de garder un parlement dont l’utilité sur place n’apparaît pas toujours clairement.
Face à cette demande insistante, l’Etat, toujours dans sa culture centralisatrice, par la voix du premier ministre Edouard Philippe, propose quatre hypothèses: d’une part la fusion des deux départements alsaciens (pourtant refusée par les Alsaciens par référendum en octobre 2013), d’autre part le renforcement de la coopération interdépartementale, puis encore et troisième point, la création d’un syndicat mixte et, enfin, la possibilité de créer une collectivité à „statut particulier“ sur le modèle Corse.
Mais cette dernière devra être validée par une modification de l’article 72 de la Constitution. S’ajoute à cela et dans le cadre d’un „pouvoir de différenciation“, offrir à l’Alsace plus de compétences dans le domaine transfrontalier. Enfin, et pour montrer que ce dossier est mené tambour battant par ce qu’il serait possible d’appeler le „lobby alsacien“, les choses vont avancer très vite.
En effet, le premier ministre vient d’annoncer, dans un courrier adressé aux parlementaires du Grand Est, qu’il vient de nommer la sénatrice Jacqueline Gourault comme coordinatrice des concertations entre les acteurs de la région „dès la rentrée … de façon à nourrir la position que le gouvernement arrêtera courant octobre“. Pour l’instant, le président Macron se tient à sa déclaration où il excluait une sortie de l’Alsace du Grand Est.
Ce désir „autonomiste“ de l’Alsace face aux deux autres régions composant le Grand Est est historique mais fut renforcé par le regroupement des trois anciennes régions en 2015. Il est à remarquer que le Grand Est semble avoir été pondu et écrit sur un coin de bureau à l’Elysée et demeure la seule région française où le gouvernement a imposé la capitale régionale: ici Strasbourg à l’extrême Est de la région.
La question se pose de savoir pourquoi l’Alsace serait ici privilégiée par rapport aux autres régions, surtout dans le domaine transfrontalier où, par exemple, la Lorraine est encore plus impacté par le „fait frontalier“ ou le bilinguisme puisque disposant de trois pays européens sur ses frontières. Certains acteurs de la Grande Région transfrontalière remarquent par ailleurs que la sphère politique lorraine ou champardennaise est fort silencieuse sur le sujet pour l’instant.
L'Alsace n'a jamais voulu de ce Grand Est. Comme beaucoup d'autres régions d'ailleurs. Mais c'était une idée fixe d'un Président en pleine dérive.
Est-ce que M. Carles s’est installé maintenant à Strasbourg ? Ainsi va l’Europe. Merde.