Le 19 juillet dernier, la Knesset a adopté une loi fondamentale qui définit l’Etat comme «foyer national du peuple juif». 62 membres ont voté en sa faveur, 55 se sont opposés. Cette loi signifie que les membres de la minorité palestinienne appelée «arabe» seront à jamais des citoyens de seconde catégorie.
De Jean Feyder, ancien ambassadeur
La loi rappelle également d’autres attributs de la souveraineté: l’hymne, le drapeau, les fêtes nationales. A la langue arabe, considérée jusqu’ici comme une langue nationale, est réservée «un statut spécial». Pour le journal Le Monde, cette seule humiliation symbolique est une gifle donnée aux Arabes israéliens. Une forme de séparation urbaine résultera de la disposition de la loi selon laquelle l’Etat devra promouvoir «le développement de communautés juives». Une valeur constitutionnelle est ainsi donnée à des municipalités peuplées uniquement de Juifs.
Ce qui n’empêchera pas les colons juifs de continuer à acheter des maisons à Jérusalem-Est, occupée traditionnellement par des Palestiniens, et à vouloir vivre partout. La zone juridictionnelle des villes et villages arabes représente aujourd’hui moins de 3% du territoire israélien. Cette loi sur l’»Etat-nation du peuple juif» contredit également la Déclaration d’indépendance adoptée en 1948 selon laquelle l’Etat «développera le pays au bénéfice de tous ses habitants» et «assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe».
Pour Adalah, Centre Légal pour les droits des minorités en Israël, «la loi sur l’Etat-nation est une loi coloniale avec des traits d’apartheid contraires au traité international qui bannit les crimes d’apartheid. Elle ouvre différentes avenues de ségrégation pour l’acquisition de la terre et de l’immobilier et elle encourage la colonisation juive dans la vie civile pour obtenir la citoyenneté basée sur le droit du retour et pour la langue et les droits culturels au nom de d’auto-détermination».
Une loi née dans le péché
Jeremy Ben-Ami, président et fondateur de J Street – une des organisations juives aux Etats-Unis –, a sévèrement critiqué cette loi et le gouvernement de Netanyahu: «Elle est née dans le péché, son seul objectif est d’envoyer un message à la communauté arabe, à la communauté des LGBT et à d’autres minorités en Israël qu’ils ne sont pas et ne seront jamais des citoyens égaux». Depuis longtemps le statut de démocratie de l’Etat d’Israël a pu être mis en doute alors que cet Etat a toujours voulu se présenter, surtout auprès des Occidentaux comme «seule démocratie au Moyen-Orient».
Reste à savoir comment l’Europe, qui coopère étroitement avec Israël, va réagir après l’adoption de cette loi étant donné que l’article 2 de l’Accord d’association dispose que «les relations entre l’UE et Israël sont basées sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques».
En avril 2016, j’ai pris part, avec un groupe de 15 personnes, au voyage en Cisjordanie et en Israël organisé par le «Comité pour une Paix Juste au Proche Orient». A Nazareth, Mohammad Zeidan, directeur général de l’Association arabe pour les droits de l’Homme nous a expliqué les multiples discriminations dont souffrent les «Arabes» en Israël.
Les Palestiniens représentent 20% de la population d’Israël, soit 1,5 millions de personnes. Ils sont Palestiniens mais l’Etat d’Israël, niant leur vraie identité, les appelle «les Arabes».
Ils sont les descendants des Palestiniens restés en 1948 dans leur pays alors que quelque 750.000 autres en avaient été expulsés au cours de la Naqba, qui veut dire «catastrophe» pour les Palestiniens. Mohammad Zeidan explique: «Nous sommes une importante minorité dans notre patrie (homeland) mais nous n’avons pas pour autant beaucoup de pouvoir. Nous faisons partie du peuple palestinien. Nous sommes de religion musulmane, chrétienne ou druze. La majorité d’entre nous vit en Galilée.»
Une première discrimination remonte à la déclaration d’indépendance d’Israël en 1948. Selon la loi institutionnelle, alors adoptée, le terme «Juif» ne désigne pas seulement l’appartenance à une religion, mais il détermine aussi qui peut bénéficier des droits citoyens. «Si la démocratie veut dire droits égaux pour tous, en Israël, c’est différent. Israël est un Etat juif et si vous n’êtes pas juif, il est impossible d’avoir une pleine citoyenneté.»
La loi appelée «Absentee Property Law» de 1948 a privé de leurs biens tous les Palestiniens qui ont habité leur village avant 1948, mais ont dû fuir, au moment de la Naqba, vers d’autres endroits en Israël. Ces biens ont été confisqués par l’Etat d’Israël, sans que celui-ci ne verse la moindre indemnité. La loi en Israël interdit du reste de parler de la Naqba dans les écoles et oblige à nier l’histoire.
Discrimination légale
Il existe ensuite une discrimination légale directe concernant des droits dont vous ne pouvez bénéficier que si vous êtes Juif. Par exemple, selon la loi, chaque citoyen israélien doit faire son service militaire, mais le ministre de la Défense a le droit de vous en exempter.
Depuis 1948, il a systématiquement et collectivement exempté les Palestiniens d’effectuer ce service, car ceux-ci sont soupçonnés de faire partie de la «cinquième colonne». Ainsi, le service militaire introduit une discrimination de fait, car si vous ne faites pas le service militaire, vous avez moins de droits; c’est le cas pour faire des études en médecine, vous devez avoir au moins 21 ans, âge atteint après avoir fait le service militaire. A ceux qui ont fait ce service, un accès prioritaire est réservé à ces études.
Une discrimination «institutionnelle» se produit notamment par les budgets. Les villes palestiniennes se voient octroyer des budgets inférieurs aux autres villes. Un enfant palestinien reçoit pour son éducation un neuvième de ce qui est accordé pour un enfant juif. Des discriminations similaires existent pour tous les aspects de la vie. Chaque ministre dispose à cet égard d’une discrétion absolue qui se cache derrière le nom de «priorités». Il s’avère que tous les ministres ont les mêmes priorités au détriment chaque fois des Palestiniens.
La discrimination dans la sphère publique est la plus dangereuse. Une enquête menée par le centre de recherche américain PEW a établi que 48% de la population juive sont en faveur d’un «transfert» de la population palestinienne, donc d’une purification ethnique.
Et que 78% de l’ensemble des discriminations affectent la population non-juive.
Pour Mohammad Zeidan, la conclusion est claire: «Par essence, Israël n’est pas une démocratie». Il lance cet appel: «Toutes les organisations qui défendent les droits des Palestiniens, ne devraient pas oublier la situation discriminatoire des Palestiniens qui vivent en Israël.»
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