Dans cette période de reprise économique et de relative accalmie, nous Européens oublions qu’il y a peu nous avons frôlé l’abîme et que notre réalité reste pleine d’incertitudes tant géopolitiques que financières, avec un niveau record de dette en Asie et en Amérique pouvant entraîner une nouvelle crise économique mondiale.
Il y a deux ans jour pour jour, nous lancions en une de quotidiens majeurs du continent un appel pour une nouvelle renaissance européenne. Notre préoccupation: éviter l’implosion de l’Union européenne dans une période de vide politique sans précédent, de montée des populismes et de repli national. Notre conviction était que seule une dynamique rassemblant leaders d’opinion et citoyens de toutes sensibilités permettrait de créer la pression politique suffisante pour garantir l’unité des 27 en cas de vote négatif au référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union. Les leaders européens avaient en effet accepté la demande de David Cameron de ne pas préparer de plan B, susceptible selon lui d’augmenter les risques d’une issue défavorable.
Notre appel a été sur le moment formidablement entendu. Des dizaines de milliers de citoyens ont réagi à travers le continent. Des chefs d’Etat et de gouvernement nous ont reçus et, surtout, ont suivi notre double recommandation: unité dans la négociation et ébauche d’une feuille de route pour la relance de l’Union. Les Présidents de la Commission européenne et du Conseil nous ont demandé de réfléchir au contenu de cette feuille de route et, plus largement, à la manière d’articuler au mieux souveraineté nationale et européenne.
Ce fut chose faite dans le rapport „la Voie européenne pour un futur meilleur“ que nous leur avons remis il y a tout juste un an. L’essentiel de nos propositions a depuis fait l’objet d’un puissant portage politique, aussi bien par le Président de la Commission européenne lors de sa dernière intervention sur l’Etat de l’Union, que par le Président de la République française dans ses importants discours de la Sorbonne et de Strasbourg. Le Parlement européen s’en est également saisi.
Certaines de nos recommandations sont en train de devenir réalité, comme les consultations citoyennes qui ont commencé dans certains Etats membres, la nouvelle priorité donnée à l’intelligence artificielle par la Commission européenne, le travail mené en matière de qualité de l’information, la modernisation du modèle social européen, ou encore le projet d’un Erasmus des collégiens et lycéens permettant enfin à chacun d’avoir une expérience humaine et personnelle de l’Union dès le plus jeune âge. Ces avancées devront être confirmées par un budget permettant effectivement de démocratiser Erasmus, de maintenir un programme ambitieux pour la culture, et d’accroître l’effort de recherche et développement sur le long terme. Nous nous réjouissions donc de nos succès, mais n’en restons pas moins inquiets.
La forte envie d’Europe manifestée par nos concitoyens après le référendum britannique menace de fléchir si les paroles des dirigeants ne sont pas accompagnées par davantage d’actes concrets. Les derniers résultats électoraux mettent encore en avant une montée des partis populistes. Pire, le respect de l’Etat de droit et des valeurs fondamentales constituant le coeur du projet européen, notamment le pluralisme des médias et la liberté d’expression, ne nous semblent jamais avoir été à ce point menacés au sein de l’Union.
Celle-ci entre pourtant dans une nouvelle période de léthargie, alors que le Brexit sera acté dans moins d’un an.
Un nouveau sursaut
Ce 9 mai, jour de la fête de l’Europe, nous appelons donc à un nouveau sursaut, à la fois des gouvernants mais aussi des citoyens, des leaders d’opinion et des dirigeants syndicaux et d’entreprise de ce continent. Il nous paraît indispensable que le Conseil européen de juin s’engage sur un plan fixant une relance européenne, fait d’actions concrètes impactant positivement le quotidien et l’avenir de nos concitoyens, ainsi que sur un calendrier précis de mise en oeuvre. En cas contraire, les prochaines élections européennes signeront une montée en puissance sans précédent des forces populistes.
Nous encourageons donc la participation de tous les Européens aux consultations citoyennes dans l’espoir qu’elles réussissent à inclure les plus vulnérables et donnent lieu à une véritable écoute des différentes opinions exprimées. Mais notre conviction est qu’il faut oser l’ambition dans cette période de transformation inédite. C’est pourquoi nous voulons inventer une nouvelle étape de la démocratie européenne.
Nous proposons de créer un droit à la participation continue de chacun à la vie politique de l’Union et invitons tous ceux qui le souhaitent à nous rejoindre pour bâtir avec nous civico.eu, une plate-forme civique permanente, transnationale et multilingue, permettant aux citoyens européens non seulement d’être consultés mais d’être eux-mêmes les initiateurs d’un dialogue civique direct ayant pour but de faire émerger des propositions concrètes nourrissant en continu les institutions européennes. Les technologies numériques, la traduction automatique avancée, l’intelligence artificielle, permettent de penser différemment la démocratie.
Il ne s’agit nullement de mettre fin à la démocratie représentative mais de la compléter à travers un outil de démocratie délibérative et participative continue. Nous croyons plus que jamais à la nécessité pour nos concitoyens européens de se constituer en force civique transnationale.
Soixante-dix ans jour pour jour après le Congrès de la Haye, véritable acte fondateur de l’Union européenne, nous appelons d’ici la fin de l’année à un nouveau congrès des consciences européennes qui rassemble citoyens, leaders d’opinion et dirigeants de toutes sensibilités, pour écrire ensemble une page inédite de notre histoire commune. C’est en misant à la fois sur des avancées concrètes et rapides, un renouveau démocratique garantissant nos valeurs fondamentales, et un rassemblement de toutes les bonnes volontés, que nous rétablirons la confiance entre les citoyens et les institutions européennes dans un esprit de solidarité renouvelé.
C’est la condition indispensable pour permettre la transformation de l’Union en grande puissance démocratique, culturelle, sociale, écologique et industrielle, capable de peser de manière décisive sur les évolutions de la planète, de défendre les intérêts des Européens et de contribuer à un monde meilleur.
Les signataires
Signataires de l’appel CIVICO Europa:
Guillaume Klossa (FR), initiateur de CIVICO Europa, dirigeant d’entreprise, essayiste, et
ancien sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen); Alberto
Alemanno (IT), professeur de droit, fondateur du Good Lobby; László Andor (HU),
économiste, ancien commissaire européen; Lionel Baier (CH), réalisateur; Miklos Barabas
(HU), directeur, Maison de l’Europe; Enrique Baron Crespo (ESP), ancien président du
Parlement européen; Mars di Bartolomeo (LU), président du Parlement du Luxembourg;
Brando Benifei (IT), parlementaire européen; Sylvain Bonnet (FR), chef d’entreprise;
Jean-Louis Borloo (FR), ancien ministre d’Etat, avocat; Mercedes Bresso (IT),
parlementaire européenne, ancienne présidente du Comité des Régions ; Elmar Brok (DE),
parlementaire européen, ancien président de la commission des affaires étrangères,
Parlement européen; Philippe de Buck (BE), ancien directeur général de BusinessEurope,
membre du comité économique et social européen; Thomas de Charentenay (FR),
dirigeant d’entreprise ; Daniel Cohn-Bendit (FR/DE), ancien président du groupe « Les
Verts », Parlement européen; Georgios Dassis (GR), syndicaliste, ancien président du
Comité économique et social européen; Piotr Dudek (PL), coordinateur jeunesse et
universités, CIVICO Europa; Paul Dujardin (BE), directeur général, BOZAR; Isabelle
Durant (BE), ancienne vice-première ministre, secrétaire générale adjointe de la CNUCED;
Michele Fiorillo (IT), philosophe, coordinateur réseaux CIVICO Europa; Cynthia Fleury
(FR), philosophe et psychanalyste; Markus Gabriel (DE), philosophe; Christophe Galfard
(FR), astrophysicien et écrivain; Aart de Geus (DE), président de la fondation Bertelsmann;
Felipe Gonzalez (ES), ancien premier ministre, ancien président du groupe de réflexion sur
l’avenir de l’Europe (Conseil européen); Sandro Gozi (IT), ministre des affaires
européennes; Danuta Huebner (PL), ancienne commissaire européenne, présidente de la
commission des affaires constitutionnelles, Parlement Européen; Ulrike Guérot (DE),
directrice, European Democracy Lab; Alain Juppé (FR), ancien premier ministre, maire de
Bordeaux; Charles Kaisin (BE), désigner; Evika Karamagioli (GR), professeur d’université;
Mathieu Labey (FR), entrepreneur; Alain Lamassoure (FR), parlementaire européen,
ancien ministre; Christophe Leclercq (FR), entrepreneur média et fondateur d’EurActiv; Jo
Leinen (DE), parlementaire européen, ancien président du Mouvement européen-
International; André Loesekrug-Pietri (DE/FR), fondateur d’ACapital, ancien conseiller
spécial de la Ministre des Armées, porte-parole du J.E.D.I; Robert Menasse (AT), écrivain;
Jean-Pierre Mignard (FR), avocat; Joelle Milquet (BE), députée à la région bruxelloise,
ancienne vice-première ministre; Alexandra Mitsotaki (GR), présidente, ActionAid Hellas;
Jonathan Moskovic (BE), membre fondateur de CIVICO Europa, co-coordinateur du projet
G1000; Ferdinando Nelli Feroci (IT), ambassadeur, ancien commissaire Européen,
président du IAI; Catherine Noone (EIRE), sénatrice, présidente de l’assemblée citoyenne
d’Irlande; Johanna Nyman (SWE), ancienne présidente du Forum européen de la
Jeunesse; Sofi Oksanen (FIN), écrivaine; Guilherme d’Oliveira Martins (PT),
administrateur de la Fondation Gulbenkian, ancien ministre; Erik Orsenna (FR), écrivain;
Rossen Plesneviev (BG), ancien président de la république de Bulgarie; Francesco
Profumo (IT), ancien ministre, président de la fondation Compagnia di San Paolo; Sneska
Quaedvlieg-Mihailovic (NL/RS), secrétaire générale d’Europa Nostra pour la protection du
patrimoine européen; Jean Quatremer (FR), journaliste et essayiste; Francesca Ratti (IT),
ancien secrétaire général adjoint du Parlement Européen, présidente de CIVICO Europa;
Maria João Rodrigues (PT), ancienne ministre, vice-présidente du groupe « Socialistes et
démocrates », Parlement européen; Robin Rivaton (FR), auteur; Petre Roman (RO),
ancien premier ministre; Taavi Roivas (EST), ancien premier ministre d’Estonie; Wytze
Russchen (NL), membre fondateur de CIVICO Europa; Jochen Sandig (DE), directeur de
la compagnie de danse Sasha Waltz and Guests; Roberto Saviano (IT), écrivain; Nicolas
Schmit (LU), ministre du travail, de l’emploi et de l’immigration; Gesine Schwan (DE),
présidente de la plateforme de gouvernance Humboldt-Viadrina; Denis Simonneau (FR),
président d’EuropaNova ; Benjamin Spark (BE), artiste; Wolfgang Tillmans (DE),
photographe et plasticien; Kirsten Van den Hull (NED), députée; René van der Linden
(NL), ancien président de l’Assemblée du Conseil de l’Europe, ancien président du Sénat
Néerlandais; Guy Verhofstadt (BE), ancien premier ministre, président du groupe « ADLE »,
Parlement européen; Vaira Vike Freiberga (LAT), ancienne présidente de la République de
Lettonie; Cédric Villani (FR), mathématicien, Médaille Fields, député; Pietro Vimont (FR/
IT); membre fondateur et directeur des opérations de CIVICO Europa; Luca Visentini (IT),
secrétaire général de la Confédération européenne des Syndicats; Leendert de Voogd (NL),
dirigeant d’entreprise; Sasha Waltz (DE), chorégraphe et danseuse; Wim Wenders (DE),
cinéaste.
N'oublions pas l'Europe est aussi synonyme d'une politique néolibérale.N'oublions pas la prise de position des responsables de l'Union Européenne envers la vente du site de Galvange à Dudelange. N'oublions pas le réarmement militaire, la vente d'armes à travers le monde . N'oublions pas le soutien d'un pays peu démocratique comme la Turquie par l'UE. N'oublions...................Oublions la relance européenne, tant que la politique européenne ne change d'être sociale.