Carles Puigdemont, président catalan, a-t-il ou non entériné l’indépendance de la Catalogne? C’est ce que se demande le premier ministre Rajoy qui, faute de clarification, hésite à activer l’article 155 de la constitution mettant sous tutelle la région. La confusion résulte de l’hésitation de Puigdemont qui a certes signé la déclaration d’indépendance, et a donc fait croire pendant quelques minutes à ses partisans que la république était née, mais l’a aussitôt suspendue, pour, dit-il, permettre au dialogue de se renouer. Dialogue de sourds, bien entendu, puisque, dans le pingpong opposant la Catalogne au pouvoir central, ce dernier, s’il veut garder ne serait-ce que l’ombre d’une crédibilité, ne peut entamer le dialogue que si l’indépendance est jetée aux orties.
Nous voilà donc dans la situation inextricable où aucun des deux camps ne peut reculer, mais où, en même temps, personne ne fait mine de permettre à l’autre de sauver la face. Car Puigdemont ne peut faire davantage que de mettre entre parenthèses pour quelques jours, voire quelques semaines sa décision séparatiste, pris en tenaille qu’il est par son propre camp. D’un autre côté, un éventuel «155» de Madrid pourrait le pousser à radicaliser de nouveau son discours.
Du coup deux logiques s’affrontent. La première, à laquelle s’agrippe Rajoy, et qui est peu ou prou soutenue par Bruxelles et la communauté internationale, c’est que la loi doit primer, loi niant à quelque région espagnole que ce soit, de faire sécession. La deuxième croit puiser sa légitimité à la fois du dédain avec lequel le pouvoir central a traité la Catalogne, bridant son autonomie, et du verdict des urnes lors du referendum du 1er octobre. Oubliant au passage que, si 90% des votants se sont prononcés pour l’indépendance, plus de la moitié des électeurs ne se sont rendus ou n’ont pas pu se rendre aux urnes. Un oubli qui inclut celui de la moitié des habitants de la Catalogne hostiles à la sécession, la méga-manifestation de dimanche dernier l’ayant montré. Entre-temps, le ton et la nervosité montent. Entre Madrid et Barcelone certes, mais également entre partisans et pourfendeurs, en Catalogne même, de l’indépendance, et, depuis la fausse vraie déclaration, à l’intérieur même du camp indépendantiste.
Personne ne s’attendait à un tel scénario catastrophe. Qui, à tout moment, peut dégénérer si Madrid devait décider d’employer, comme la loi pourtant l’y incite, la manière forte. Déjà lors du référendum, alors que les forces de l’ordre avaient brutalisé les électeurs, des voix s’étaient élevées contre ce qu’elles appelaient l’occupation de la Catalogne par la police espagnole. Mettre sous tutelle la région équivaudrait à une inacceptable provocation, même aux yeux des plus modérés.
Dans quel camp est alors la balle? On le verra dans les heures et jours à venir. Une porte de sortie à peu près honorable pourrait être offerte par la dissolution du parlement catalan ouvrant la voie à de nouvelles élections où pro et anti indépendance pourraient recompter leurs forces.
Mais à la longue, il faudra bien amender, assez vite même, la constitution espagnole afin que les aspirations et les spécificités régionales puissent être mieux prises en compte.
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