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D’une autre trempe

D’une autre trempe

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N'est pas grand qui veut l'être.

J’aimais bien Helmut Schmidt. Parce qu’il fumait, diront les mauvais esprits. Pseudo-ironie déplacée, dont je m’en fous, comme il s’en foutait. C’était un esprit libre qui détestait qu’on l’enferme dans le cocon du politiquement correct et rien pour ce combat-là, il méritait le respect.

Danièle Fonck dfonck@tageblatt.lu

L’homme de Hambourg, cette cité allemande si cosmopolite, francophile, socio-libérale, en fit nécessairement un social-démocrate, donc quelqu’un d’ouvert, de critique. Quelqu’un de droit et de direct, de cultivé et de sensible en dépit d’une froideur apparente dont l’origine fut son éducation, son vécu, sa droiture, son respect des grands principes dont le beau nom est la paix, la concorde entre les peuples, le refus de la dictature, du nazisme et de ses dérivées, les droits de l’Homme.

A l’instar de „mon“ journal, je n’appréciais pas en bloc la politique du chancelier qu’il fut: le „NATO-Doppelbeschluss“, les bases américaines, comme je ne partage toujours pas toutes ses analyses sur la politique de John Kennedy. Mais il fut indéniablement, avec „l’ami Valéry“, un Européen digne des pères fondateurs. Ah, l’invention giscardienne de l’ECU, la création schmidtienne du SME! L’Europe au coin du feu, des sommets dignes de ce nom, sommets des seigneurs …

Il sut l’importance des relations franco-allemandes, celle de relations vraies entre chefs d’Etat et de gouvernement, celles donc où l’on prend le temps de se connaître en se fréquentant, en dissertant, en débattant, en tête-à-tête, quelquefois même en famille. Rencontres d’une qualité autre que celles, tout en surface, d’aujourd’hui, où l’on croit échanger et se comprendre après une entrevue d’une heure entre deux avions et deux dépôts de gerbe.

G-6 autour d’une piscine sur les îles, marches sur une plage … Du luxe? Non. Une façon informelle de se sonder pour mieux construire l’avenir, ce qui passe forcément par une meilleure connaissance de l’autre et de son pays avec ses sensibilités, son passé, ses valeurs ancrées dans l’histoire. En cela, Helmut Schmidt restera un homme d’Etat en voie de disparition.

Il n’avait pas besoin d’être maquillé à la levée, tel un Tony Blair, pour affronter les caméras à toute heure. Pas besoin de flatter des journalistes pour un papier favorable; pas besoin de courtisans. Il y avait Bach et Le Greco pour compenser et, surtout, le travail, toujours et encore. Dire qu’à près de 96 ans, il venait presque tous les jours au Zeit, assistait aux conférences de rédaction du vendredi matin. Et ce devrait être du baume au cœur pour lui que d’enfumer tous ces journalistes mal habillés, végans et végétariens, à la fois condescendants et courtisans qui, dixit leur rédacteur en chef, avaient pourtant tant besoin de la figure paternelle et un bien paternaliste qui savait tant de choses, soit pour les avoir vues et vécues, soit pour s’être véritablement documenté.