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Comédie sécuritaire … à la luxembourgeoise

Comédie sécuritaire … à la luxembourgeoise

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Editorial de kulturissimo, mensuel socio-politique encarté dans Tageblatt

Acte 1.

asold@tageblatt.lu

Ce petit mais dangereux rival du CSV qu’est l’ADR prône en 2014 déjà l’interdiction de la burqa. Comme tous les populistes, ses leaders se précipitent pour tirer profit des rancunes, des rejets et des peurs.

Acte 2.

En 2015, le CSV emboîte le pas à l’ADR. Mais son argumentaire est plus „efficace“: ce vêtement qui cache toute la femme ne serait pas seulement contraire aux us et coutumes d’ici, mais de toute évidence un risque pour notre sécurité à tous. – Après la folie meurtrière des djihadistes du 13 novembre, ça ne peut que rapporter gros, n’est-pas?Acte 3.

Discussion polémique sur les aspects liberticides d’une loi anti-burqa. Le gouvernement estime que l’arsenal réglementaire à disposition des communes suffit pour endiguer des abus. Quelle aubaine pour le CSV dont le président monte au front, personnellement, pour exprimer ses angoisses!

Acte 4.

Et puis, soudainement, intervention musclée du journal de l’archevêché. Il ne faut pas faire d’une mouche un éléphant, il n’y a que 16 porteuses de burqa et puis, d’interdiction en interdiction de signes religieux, ne finira-t-on pas par créer des camps de rééducation religieux? D’ailleurs, n’est-il pas curieux que quelques messieurs conservateurs d’un certain âge se découvrent soudainement des velléités de militer pour les droit des femmes (musulmanes), se demande le Wort.
Ah! quel rappel à l’ordre! L’interdiction de la burqa pourrait subrepticement, mais en bonne logique, lancer le grand débat sur les signes religieux, tous les signes religieux, dans l’espace public. Et ça, l’église catholique entend l’éviter. Elle en pâtirait. Alors, faut se montrer œcuméniste, tous azimuts.

Acte 5.

La burqa étant désormais élevée, pour les besoins de la cause, au rang des robes de nonne, on peut raisonnablement discourir de la sécurité.
Existe-t-il une protection fiable contre les attentats terroristes? Non? Alors, convenons a) que la mise en place du dispositif de contrôle, de surveillance et d’écoute relève du genre comédie sécuritaire et b) que le risque de perte durable de libertés citoyennes est grand.
Le terme de „théâtre“ ou „comédie“ sécuritaire est de Bruce Schneier; il s’applique à des mesures qui n’ont aucun ou peu d’effets sur la sécurité réelle, mais qui contribuent à rassurer. Ce qui les rend défendables, dit-on, à la condition qu’elles soient levées sitôt la menace disparue.
Or, tout le problème est là.
En France, le fameux plan Vigipirate est d’application depuis 1978, à la suite de menaces terroristes. Adapté plusieurs fois, étoffé de plusieurs niveaux d’alerte, il n’a en fait plus jamais été abrogé; ses exécutants, les forces visibles sur le terrain notamment, s’épuisent à des tâches routinières dévoreuses d’un temps qui devrait plus utilement être affecté aux investigations, enquêtes, filatures, etc. Au Luxembourg, il pourrait en être de même.

*

Compte tenu des réflexes sécuritaires ancestraux des Luxembourgeois, réflexes qui ont d’ailleurs fait du CSV l’immuable, indéboulonnable leader politique, il est plus que probable que nous devrons désormais „vivre avec“ la comédie sécuritaire et son corollaire détestable, la suspicion omniprésente.
Avions-nous, avons-nous vraiment besoin d’un Big Brother?
Nos libertés ne valent-elles pas une bonne dose d’insécurité „ressentie“, voire réelle?