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Faut tout changer

Faut tout changer
(Tageblatt)

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Editorial de kulturissimo, mensuel socio-politique encarté dans Tageblatt

Certes, ils ne sont pas oubliés les attentats de Bruxelles, mais les médias, presse comprise, n’en parlent presque plus; il y a d’autres sujets maintenant en Belgique qui passent à la une. Tenez, à l’heure où ce texte est en construction, Le Soir lance une info extra: Vincent Kompany va être opéré, et puis quelques autres, tout aussi importantes, comme l’incendie dans le bois de Fourons, l’envoi de l’armée dans les prisons et Gucci au coeur d’une polémique à Hong Kong …

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L’actualité a ses règles que la raison refuserait si elle ne devait pas admettre que la vie, après les catastrophes, les guerres, la terreur et les crimes continue, non pas comme si de rien n’était, mais presque. Et d’ailleurs, tout est relatif, surtout les malheurs qui arrivent aux autres. Un jeune fou du volant se tue en lançant son bolide contre un arbre, et, pour un bref moment de deux ou trois jours, on s’excite sur Facebook: il était pourtant si gentil ce garçon, pourquoi lui, il aimait tant sa Fiesta, etc.; et si on parlait d’autre chose maintenant, d’une méga fête par exemple?

Ne parlons pas des fêtes, parlons de l’état du monde tel que nous le connaissons, en 2016. Daech porte la terreur dans les villes européennes et „nous“ cherchons à anéantir ces islamistes chez eux, en Syrie et en Irak et ailleurs; pourquoi ne capitulent-ils pas devant l’énormité des moyens mis en oeuvre pour les battre? Qu’ont-ils contre le meilleur des régimes politiques, la démocratie à l’occidentale, ces gens-là dont nous ne voulons que le bien? Ils font fuir des millions d’hommes, femmes et enfants qui prennent des risques inouïs pour traverser la mer, dans l’espoir de trouver chez nous l’accueil fraternel que le chrétien doit aux miséreux. – Il faut hélas! les décevoir, car nous ne sommes quand-même pas le Liban: si lui prend deux millions de réfugiés, l’Europe, toutes proportions gardées, devrait en prendre 250 millions, imaginez cela?

Trêve de cynisme? Qu’on nous explique enfin ce qui se passe là-bas et pourquoi, il y a sans doute du pétrole derrière. Expliquez, vite, vous avez deux minutes, pas plus, l’époque des journaux qui faisaient des pages et des pages sur de tels sujets est révolue, la télé et le web vont droit au but, sans détour donc: nous c’est les bons et eux forcément les mauvais.

D’ailleurs, 2016 n’est pas si mal que ça: les Européens d’aujourd’hui ne se sont-ils pas assagis? En 1916, ils s’entretuaient par millions sur les fronts de la grande guerre, rien qu’à Verdun, il y avait quatre ou six cent mille morts; alors, relativisons, félicitons nos chers dirigeants politiques. Dans leur immense sagesse, ils ont confié la direction des affaires à des institutions supra-démocratiques, comme cette fameuse Commission européenne, cette géniale Banque centrale, cette mystérieuse Troïka, dont les membres ne sont pas élus mais nommés, ce qui garantit leur indépendance du citoyen, le pauv’ idiot.

Le pauvre, en effet. Manipulé, abusé et exploité, heureux de pouvoir choisir entre Sarkozy et Hollande, ou entre Merkel et Gabriel. „T.i.n.a.“, jubilait Margaret Thatcher, there is no alternative.

Il nous en faut pourtant, des alternatives. Si nous ne les trouvons pas vite, les descendants des grands monstres du 20e siècle nous imposeront les leurs.