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Electro-popOn a dansé sur la Lune: Say Yes Dog en concert au „De Gudde Wëllen“

Electro-pop / On a dansé sur la Lune: Say Yes Dog en concert au „De Gudde Wëllen“
Pascal Karier (à g.), Aaron Ahrend et Paul Rundel

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Groupe créé à l’origine par accident, Say Yes Dog a fait du chemin depuis sa première apparition au festival Fusion en Allemagne. Après avoir fait le tour du monde avec leur électro-pop lunaire, Aaron Ahrend, Pascal Karier et Paul Rundel garent leur fusée au „De Gudde Wëllen“ ce soir.

Aaron Ahrends (chant, claviers), Pascal Karier (batterie) et Paul Rundel (basse) forment Say Yes Dog, un nom qui ne reflète rien d’autre que leur ébriété à l’origine de cet agencement de mots incongrus façon cadavre exquis. On peut penser à Clap Your Hands Say Yeah, quoique ce dernier définit clairement une intention, celle de faire bouger le corps. Le nom Say Yes Dog est en fait aussi accidentel que l’existence du groupe qui le porte.

Revenons au début des années dix. Alors qu’ils étudient l’ingénierie du son et le jazz au Conservatoire de La Haye aux Pays-Bas, Aaron, Pascal et Paul décident de taper un bœuf pour la beauté du geste. En 2012, les trois potes veulent à tout prix assister au festival Fusion en Allemagne quand celui-ci affiche complet. Pas de problème. La fine équipe fait appel à un ami pour qu’il les filme en train de jouer et, sans plus attendre, envoient la vidéo au festival comme on jette une bouteille à la mer. Surprise: les programmateurs les invitent à monter sur scène; il ne leur reste plus qu’à monter un groupe. Say Yes Dog est né.

La formation brouille les pistes. A l’instar de Blonde Redhead (une Japonaise, deux Italiens, les trois résidant à New York), il est difficile, au moment des tops nationaux, de savoir dans quel pays les ranger: Pascal est originaire du Luxembourg, Paul et Aaron sont Berlinois, mais Say Yes Dog a été créé en Hollande. Time Out London, qui mentionne les trois nationalités, ne tarit pas d’éloges à leur propos: „Un groupe hollandais/luxembourgeois/allemand avec autant d’accroches que la boîte d’hameçon d’un pêcheur.“ Leur musique, en revanche, est très identifiable: une électro-pop dansante et tourmentée bien plus que sur les bords, dans la droite lignée de Metronomy, Hot Chip ou Passion Pit. Les yeux fixent un rétroviseur qui reflète les étoiles, les synthés étincellent et gigotent dans tous les recoins, la voix se fait aiguë, parfois barbouillée de chagrin, entre des lignes de basse funky revigorantes.

Il n’y a pas de hasard pour que les grands esprits se rencontrent. En 2015, „Plastic Love“, leur premier LP, est mixé par le producteur anglais Ash Workman, collaborateur fidèle d’un groupe phare dans la nuit de la synth-pop 2.0, Metronomy. Sur la pochette du disque, on peut voir, de dos, un bout de mannequin imberbe en plastique, sur fond de ciel étoilé, soit l’illustration de leur pop gorgée de claviers cosmiques. Par rapport à l’idée de la bouteille jetée à la mer, le groupe marque ainsi son ambition d’évasion, jusqu’à les perdre sur la mappemonde où il y a de la captation. „Plastic Love“ navigue entre house dowtempo („Plastik“), berceuse aux synthés bringuebalants („A Friend“, conçu à la base dans l’urgence, pour le festival Fusion), ballade exsangue („You Want My Love“) et embardée minimaliste pour la descente douce-amère („Before I Go“). Entre petits bruitages non identifiés et chœurs aliens, les modulations s’entrechoquent; le trio prend goût aux expérimentations électroniques – aux effets spéciaux de la musique.

De la conquête spatiale au Luxembourg

Suite au succès de leur premier LP, Say Yes Dog joue dans les plus grands festivals européens (Eurosonic, Great Escape, Primavera) mais aussi en Inde, en Corée du Sud ou au Vietnam. La tournée s’achève au Luxembourg, à la Kufa. Sans oublier que, depuis le début de son parcours, le trio participe tous les ans au festival Food For Your Senses, à Kirchberg. En 2019, le bien-nommé „Voyage“ atterrit dans les bacs. En gonflant le son, Say Yes Dog voit plus loin et surtout plus haut, à l’image de la pochette sur laquelle deux doigts tiennent une lune violette. Sur des nappes de synthés planants et une voix apaisée donc apaisante, „Deep Space“ annonce la couleur, nocturne mais fluo; il y a des réminiscences des clubs, donc un équilibre certain entre la fête et la nostalgie. Il s’agit de danser en pleurant, à l’image de „Golden Night“, un slow redoutable avec la voix qui se fait écrabouiller comme si les corps étaient trop serrés, ou bien de „The Same“, une ritournelle sans le pouls du beat, pour rester en lévitation – ou en apesanteur.

Au rayon prog ou électro, la pop est parsemée de disques connectés à l’espace, ceux de Sun Ra, Tangerine Dream, Jonzun Crew, Yello, Spiritualized, Air, M83, Computer Magic, Supercilious, Pierre Daven-Keller et ainsi de suite. Say Yes Dog lorgnerait de plus en plus du côté de Midnight Juggernauts, en plus raffiné: les synthés pompiers sont troqués contre des cliquetis organiques; la basse maousse des Australiens est piétinée par un songwriting plus classique. Plus de retenue, moins d’emphase, ce qui n’empêche pas le lyrisme de décoller. Leur concert au „De Gudde Wëllen“ (sold out) ne fera que le confirmer, alors attachez vos ceintures!