L’article du projet qui suscite le plus de controverses, qui porte le numéro 3 dans le texte gouvernemental, est celui qui prévoit que dans les métiers dits „en tension“ (où l’on n’arrive pas à recruter assez de travailleurs: la restauration, le bâtiment, les services à la personne, la manutention, principalement) sera créée une carte de séjour d’un an pour les travailleurs sans-papiers déjà entrés en France clandestinement depuis au moins trois ans, et ayant au moins huit mois d’expérience professionnelle.
Pour le RN et la droite, mais aussi une partie des élus Renaissance, ce système aboutirait à donner une prime aux immigrés clandestins pourvu qu’ils aient réussi à ne pas être expulsés ces trois dernières années. Et, corollairement, à envoyer à ceux qui cherchent à les rejoindre dans l’Hexagone un message en forme d’appel d’air: „Venez en France sans vous faire prendre, et dans trois ans votre situation sera régularisée.“ A quoi les partisans de la réforme répondent que cette main d’œuvre est indispensable aux secteurs économiques concernés, même s’il reste en France plus de trois millions et demi de chômeurs. Sans parler de la considération plus cynique selon laquelle la vulnérabilité de ces travailleurs clandestins permet de les rémunérer moins cher que leurs équivalents français …
Le projet de loi comporte naturellement bien d’autres dispositions. Ainsi de la possibilité ouverte aux demandeurs d’asile provenant des pays les plus dangereux de travailler dès le dépôt de leur demande, et non six mois seulement après comme c’est actuellement le cas. De même, face à la difficulté de recruter en milieu hospitalier, le gouvernement veut créer une nouvelle carte de séjour pluriannuelle, d’une durée maximale en faveur des médecins, des sages-femmes, des dentistes et des pharmaciens. En outre, une connaissance minimale du français sera requise pour obtenir un premier titre de séjour, lequel pourra être retiré en cas de menace grave pour l’ordre public, les „obligations de quitter le territoire français“ (OQTF), qui restent si souvent sans suite, devant être mises systématiquement à exécution. Quant à la lutte contre l’immigration clandestine, elle devrait être renforcée … comme il est régulièrement promis.
Les approches différentes de Borne et Darmanin
Mais c’est obstinément ce fameux article 3 qui a cristallisé les oppositions, bien avant l’ouverture formelle du débat parlementaire hier – au Sénat, où la droite est majoritaire, ce qui montre d’ailleurs le souci gouvernemental d’amadouer les Républicains. Ceux-ci, tout comme les élus du Rassemblement national, expliquent qu’ils pourraient envisager de voter le texte du gouvernement, ou au moins de ne pas déposer contre lui une motion de censure, si celui-ci renonçait à cette disposition particulière; quelques autres concessions moins significatives étant également bienvenues, naturellement.
Du côté de l’exécutif, Mme Borne, qui expliquait au printemps dernier qu’il n’y avait pas lieu de se hâter sur le sujet puisqu’il n’existait pas de majorité parlementaire pour voter une telle réforme, s’est résignée à aller de nouveau au combat, puisque M. Macron semblait y tenir, mais qu’elle se préparait, dans ces conditions, à engager pour le vingtième fois la responsabilité de son gouvernement par le biais du 49-3 si nécessaire. Elle pourrait bien jouer sa survie à Matignon dans cette affaire. Son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui se verrait toujours bien lui succéder, affiche, lui, un état d’esprit beaucoup plus conciliant, assurant que les négociations ne font que commencer, qu’il a tout le temps de les mener à bien et que le recours au 49-3 ne s’impose pas.
Quant au chef de l’Etat, il cherche à se concilier les bonnes grâces de la droite sur le sujet en relançant son projet de „référendum d’initiative partagée“, qui pourrait devenir possible avec seulement un million de demandes d’électeurs, contre cinq millions actuellement, et porter sur „les questions de société“. Dont l’immigration … comme le demandent depuis longtemps les LR et le RN. L’absence de majorité parlementaire oblige décidément à bien des contorsions, jusqu’au locataire de l’Elysée.
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