Cette durée marathonienne aura été, en elle-même, un vrai succès pour le chef de l’Etat, qui, ces temps-ci, ne les collectionne pourtant pas. Beaucoup d’observateurs prévoyaient en effet que les échanges tourneraient court – certains participants, à gauche, ne cachaient d’ailleurs pas leurs intentions à cet égard – et que cette nouvelle initiative présidentielle allait, comme d’autres auparavant, faire fiasco. Nul n’imaginait en tout cas qu’il pût en sortir quoi que ce fût de positif.
Or, sans parvenir, bien sûr, à un vaste consensus ou à des accords en série, la démarche a finalement semblé intéresser ceux qui y participaient, alors même que l’éventail politique était des plus ouverts, du Rassemblement national à La France Insoumise en passant par la droite classique, les centristes, les socialistes, les écologistes et les communistes. Il est vrai qu’il avait été choisi de discuter librement et de manière personnelle: n’étaient admis dans la salle ni les collaborateurs des uns et des autres (y compris pour Macron: le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, d’abord invité comme témoin muet, avait finalement été prié de rester à l’Elysée), ni les téléphones portables, dûment laissés au vestiaire.
Et pendant tout un après-midi, toute une soirée, y compris devant des plateaux-repas, et une bonne partie de la nuit, le petit miracle a eu lieu: des gens qui ne cessent de s’invectiver au Parlement ou dans les médias, et de se prêter mutuellement les pires intentions, se sont parlé, et courtoisement, en responsables politiques civilisés d’un pays qui prétend l’être aussi … Dans n’importe quelle autre démocratie européenne, la chose irait de soi; mais dans cette France qui a peu à peu tourné le dos à la culture du dialogue et de la négociation, ç’aura réellement été une heureuse surprise.
Vers une grande conférence sociale
Au point qu’après cette si longue réunion, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a voulu voir dans ce „processus inédit“, non sans lyrisme, quelque chose qui „pourrait bien marquer l’histoire“. Et il a indiqué que d’ores et déjà, „tout le monde a accepté de se revoir dans les mêmes conditions, pour une prochaine session de travail“, afin de „battre le fer pendant qu’il est chaud“. Aucune date précise n’est encore fixée, selon l’Elysée, mais un „séminaire gouvernemental de suivi“ va être organisé mercredi prochain.
Naturellement, les jugements, du côté de l’opposition, étaient hier sensiblement moins enthousiastes, presque comme si certains éprouvaient une sorte de discrète honte rétrospective à l’idée de s’être prêtés au jeu. Eric Ciotti, le président du parti LR, qui continue de plaider pour un référendum sur l’immigration, a ainsi réservé son jugement global: „Je ne sais pas sur quoi tout ça va déboucher, et pour l’heure je ne suis pas convaincu par la démarche“, même s’il a jugé l’exercice „opportun“.
Le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, est allé beaucoup plus loin, trouvant „assez grotesque de passer douze heures à discuter sans avoir aucune annonce concrète“. „C’était franc, mais ça n’aboutit sur rien“, a-t-il ajouté, en citant notamment le fait que M. Macron avait „balayé d’un revers de main“ ses exigences en matière de hausse des salaires. De même le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a-t-il regretté que le principe d’une indexation des salaires sur l’inflation ait été écarté.
Mais du côté de l’exécutif, on souligne que dès cette première session, le principe d’une grande conférence sociale de rentrée, avec toutes les forces syndicales donc, sur les carrières et les branches d’activité où les salaires sont inférieurs au salaire minimal, ainsi que, plus généralement, sur les conditions de travail, a été arrêté, et confirmé par le président de la République. Lequel, pour transformer l’essai politiquement, devra veiller à ne pas décevoir les espoirs encore modestes qu’il a fait naître sur ce terrain …
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