L’annonce que vient de faire le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, de l’interdiction du port de l’abaya, traditionnelle robe longue des femmes musulmanes, dans les locaux scolaires et universitaires, a semé l’émoi dans une partie de la gauche – essentiellement La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, outre une partie des Verts – et recueilli, au contraire, l’assentiment, voire les éloges, d’à peu près tout le reste de la classe politique.
Pour sa première rentrée, tant scolaire que politique, M. Attal peut se flatter d’avoir réussi son coup. Certes, sa décision, en fait, ne fait que s’inscrire dans le droit fil de la loi du 15 mars 2004 sur l’interdiction du port de vêtements ou signes religieux distinctifs à l’école, que socialistes et communistes avaient votée. Mais elle présente, pour le gouvernement auquel il appartient, et désormais à une place de choix, un triple avantage.
D’abord, sur le fond, de (tenter de) faire régresser l’offensive islamique, certes non-violente sur ce terrain, mais insistante, contre la laïcité qui est la règle depuis 1905 dans l’Éducation nationale comme ailleurs. Si le port du voile coranique à l’école avait à peu près disparu après le vote de la loi de 2004, le nombre de jeunes filles arborant l’abaya, apparemment plus neutre mais véhiculant en réalité le même message, que ce soit volontairement ou à la demande de leur famille et en particulier de leur père, a au contraire spectaculairement cru ces dernières années. Les atteintes au principe de laïcité sont désormais redevenus très nombreux, et l’interdiction édictée par le gouvernement vise avant tout à y mettre un terme.
Mais il y a aussi, pour ce dernier, un autre avantage, qui relève plus de la tactique politicienne: comme on pouvait s’y attendre, ce rappel au respect de la loi et à la défense de la laïcité porte un rude coup à l’union de la gauche que certains espéraient faire renaître au sein de la Nupes, notamment avec la toute récente tentative de constitution d’une liste unique aux européennes qui serait conduite par Ségolène Royal. Car si PS et PCF, fidèles au principe de laïcité, approuvent la décision de Gabriel Attal, La France Insoumise, toujours pro-islamique, elle, vole au contraire au secours de la communauté musulmane (tout en assurant d’ailleurs, paradoxalement, que l’abaya n’a aucune connotation religieuse). M. Mélenchon accuse même le gouvernement de vouloir „allumer une guerre de religions“, et va faire saisir le Conseil d’État.
Troisième avantage de la décision gouvernementale pour l’exécutif, d’un point de vue lui aussi très politicien: au moment où le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin reproche implicitement à la majorité à laquelle il appartient (encore?) de faire le jeu de Marine Le Pen en se montrant faible ou indécis face à l’immigration, son collègue Attal semble indirectement lui répondre par quelque chose de concret, même s’il ne s’agit pas ici de maîtrise des flux migratoires.
Quant à la droite, elle se voit contrainte d’approuver la décision gouvernementale, tout en soulignant qu’elle présentera aujourd’hui au président Macron, qui reçoit tous les dirigeants politiques, un projet de référendum sur la question de l’immigration. Tout comme le Rassemblement national, alors qu’elle préfèrerait évidemment avoir l’exclusivité de cette initiative …
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