Headlines

Exposition d’Ivana CekovicRetour sur trente années de création

Exposition d’Ivana Cekovic / Retour sur trente années de création
Le projet „La cité des anges” Photo: Editpress/Alain Rischard

Jetzt weiterlesen! !

Für 0.99 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Il est beaucoup question d’eau et de musique dans l’œuvre d’Ivana Cekovic, installée au Luxembourg depuis 1992.

Ivana Cekovic ne se voit pas vivre ailleurs qu’au bord de l’eau. Depuis son arrivée au Luxembourg dans les années 90, fuyant son pays en guerre, elle est restée fidèle au „Miselerland“. L’eau est d’ailleurs omniprésente dans l’œuvre de cette pianiste de formation. Elle irrigue de nombreuses œuvres présentées à la galerie Schlassgoart à Esch dans le cadre de la rétrospective retraçant trente ans d’une pratique variée. Il est question de recherche d’archétypes dans le parcours qui commence avec le cycle „Traces sur le sable“, captations photos et vidéos agrémentées de musique, de sculptures sur sable réalisées en 1996 avec des pigments de couleurs primaires et représentant le grand magicien et la déesse grecque Eurynome, qui a enfanté l’univers.

Lors du passage à l’an 2000, Ivana Cekovic avait installé une porte en béton blanc de 4 mètres de haut dans la Grand-rue
Lors du passage à l’an 2000, Ivana Cekovic avait installé une porte en béton blanc de 4 mètres de haut dans la Grand-rue Photo: Editpress/Alain Rischard

„Les œuvres d’art, en donnant corps aux archétypes de notre mémoire collective, transmettent des messages universels à travers les siècles“, écrivait l’artiste en 2000, dans le catalogue de l’œuvre la plus retentissante de sa carrière. Cette dernière, intitulée „Promenade libre autour de la porte fermée“, occupe une large part de l’espace d’exposition. Il s’agit là aussi de la documentation de cette intervention in situ réalisée au passage de l’an 2000. En dressant une grande porte en béton blanc, lourde de cinq tonnes, haute de quatre mètres, au milieu de la Grand-rue à Luxembourg pour le passage à l’an 2000, Ivana Cekovic voulait créer un rite collectif de libération de la peur, de tous les blocages intérieurs et extérieurs, en incitant les passants à se promener librement autour de cette porte fermée, „érigée comme un monument commémoratif de la peur“. La porte restait désespérément fermée. Mais des murs latéraux, non pas de pierre, mais de lumière, et donc franchissables, symbolisaient la sacralisation de la route choisie. „La porte fermée, l’installation d’Ivana Cekovic, est un pur message civique, un message spirituel, un message imagé, et avant tout et surtout un message artistique qui devrait débloquer les cœurs, les esprits et les espaces, pour donner à chacun et à chacune une clef qui servira justement à ouvrir la porte fermée“, avait commenté l’historien de l’art Ante Glibota.

L’installation est présentée sous forme de photos, mais aussi de vidéos des quatre performances qui ont jalonné le mois durant lequel l’œuvre était visible, comme celle d’un passage au nouveau millénaire en musique, avec de nombreux fêtards venus s’amuser au pied du monument. On y découvre aussi les très beaux travaux préparatoires du projet. 

Pour Ivana Cekovic, la porte fermée est celle qui oblitère le futur proche, rend impossible toute mobilité. C’est celle qui permet aussi de questionner l’ouverture sur l’extérieur. Elle est revenue avec cette idée pour un projet en 2016 en Belgique, où elle fit édifier, au milieu d’un lotissement pavillonnaire, une porte pour interroger le rapport à notre intérieur et à nos voisins. 

Cette opposition entre cloisonnement et ouverture, chez Ivana Cekovic, quand elle sort par la porte, entre par la fenêtre. Ce fut le cas, en 2005, avec le projet développé sur la Place d’Armes pour l’ouverture de l’Année européenne de la culture. À partir de quatre vidéos montrant différents ménages luxembourgeois produisant des bruits en ouvrant et fermant leurs volets et fenêtres, l’artiste musicienne propose une composition musicale. Elle aurait aimé étendre le concept à l’échelle mondiale, où les différences de rapport aux fenêtres de 60 pays auraient ainsi éclaté au grand jour. Mais le projet ne fut pas retenu.

Avortés, mais pas perdus

La vie d’artiste est faite aussi de projets avortés. Ivana Cekovic n’hésite pas à présenter plusieurs d’entre eux, lesquels sont les témoins du fourmillement d’idées de l’artiste. Elle avait ainsi imaginé, en 2003, un spectacle son et lumière baptisé „La cité des anges“, dans lequel transparaissait son intérêt pour l’épaisseur du temps dans lequel on vit. Elle avait imaginé que des anges du passé, du présent et du futur, soient tout à coup matérialisés sur les fortifications sous la Gëlle Fra. Ils se retrouveraient pour un bal nocturne sur un fond bleu qui signifie l’idée ésotérique d’un tout-élément à la frontière du ciel et de l’océan. 

Cette fille de journaliste avait aussi imaginé, au début des années 2000, une forme de canular, la simulation de la découverte des restes d’une société matriarcale au Luxembourg. Le projet, soutenu par la direction des „Eaux et forêts“ et présenté en vain aux communes du Sud, consistait notamment en la construction d’un temple ovoïde, baptisé „Temple de la terre rouge” et fabriqué avec des matériaux évoquant le caractère et l’histoire de la région. Il aurait accueilli une installation multimédia permanente et des expositions temporaires sur le thème des espèces ovipares, pour inviter les visiteurs à observer leur environnement avec plus d’attention et d’empathie. Ivana Cekovic était peut-être en avance sur son temps avec ce projet. Par contre, en  2003, elle était en plein dans son époque, celle où l’on ne s’était pas encore habitué à la surveillance généralisée, quand elle a imaginé le projet „Vous êtes observé“, une projection vidéo d’un œil sur un ballon arrimé au clocher de la gare de Luxembourg. 

Le projet d’étang urbain est peut-être celui qui a encore le plus de chances de se réaliser, tant il pallie un manque de couleurs et de musique dans l’espace public. Il s’agirait de créer un lieu de recueillement et de calme. À chaque jour de la semaine correspondrait une couleur de l’arc-en-ciel et une gamme dans laquelle la musique diffusée serait composée. 

Info

Jusqu’au 1er juillet, à la galerie Schlassgoart du Pavillon du centenaire, boulevard Grande-Duchesse Charlotte – Nonnewisen à Esch. Du mardi au samedi de 14.00 h à 18.00 h.