Emmanuel Macron, seul apte à décider, n’a pour l’instant donné aucune indication quant à ses projets; ni en termes de personnes ni en termes de date. Mais il ne dément pas non plus les rumeurs insistantes sur son intention de procéder à une telle opération. Alors que, du temps où c’était Jean Castex qui dirigeait le gouvernement, il n’avait pas hésité, en juin 2021, alors qu’une semblable rumeur courait déjà, à répondre à une question de journaliste: „Vous voulez un scoop? Je ne vais pas changer de premier ministre.“
Pourquoi de tels bruits excitent-ils de nouveau la curiosité du milieu politico-médiatique aujourd’hui, en dépit du fait que le parlement continue de ne pas renverser le gouvernement d’Elisabeth Borne? C’est l’effet d’un constat de plus en plus répandu, qui ne vise pas particulièrement la personne de la première ministre. Même si celle dernière peine, à l’évidence, à imprimer sa marque sur l’action publique, cependant que ses relations avec le chef de l’Etat, sans être détestables, manquent de sérénité.
Ce constat est double. D’une part en effet, on voit mal comment pourrait perdurer beaucoup plus longtemps la situation du gouvernement, qui n’a pas réussi à élargir son assise parlementaire – l’a-t-il même sérieusement essayé? – alors que l’homme de l’Elysée le lui avait demandé dans la perspective des „cent jours“ qu’il fixait à l’action publique pour un grand rendez-vous avec les Français. A la rentrée, en particulier, le débat sur le budget 2024 ne manquera pas de donner lieu, sur de telles bases, à de nouveaux débats enflammés au Palais-Bourbon, avec une nouvelle cascade de recours à l’article 49-3 et de motions de censure. Cela a fonctionné vaille que vaille la fois précédente, mais comment s’installer durablement dans ce climat? Sans parler des mauvais souvenirs laissés par la réforme des retraites, dans l’opposition certes, et sans doute au moins autant dans la majorité.
Ouverture à droite?
Mais un second constat existe: c’est celui de la relative médiocrité – ou, ce qui est presque pire en politique, de l’anonymat – d’un certain nombre de ministres qui, contrairement à quelques ténors, demeurent inconnus du grand public, un an après leur nomination. En promouvant des personnalités issues de la „société civile“, ou des parlementaires obscurs dont beaucoup le sont restés, M. Macron n’a rendu service ni aux intéressés ni à lui-même. Tout cela sous l’autorité d’une première ministre dont la solidité morale et les capacités de travail ne sont pas en cause, mais qui manque singulièrement de charisme.
Cela dit, un remaniement, qu’il touche ou non Matignon, pour quoi faire, et avec qui? Resserrer une équipe plus macroniste que jamais, autour d’un proche du président (le nom du jeune ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie est souvent prononcé, de même que celui de l’ancien président de l’Assemblée Richard Ferrand), ne ferait sans doute pas gagner un siège sur le plan parlementaire. L’ouverture à droite, si elle était spectaculaire, le pourrait sans doute: sur ce plan, on cite l’assez consensuel président du Sénat, Gérard Larché, pour Matignon, et, au contraire, l’ultra-droitiste Eric Ciotti pour l’Intérieur; mais au prix de quelle volte-face! Quant à une ouverture à gauche, elle ne serait évidemment envisageable qu’avec des socialistes dissidents, ceux qui, comme l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve, refusent l’alliance avec Mélenchon.
Reste la question du „quand“. Dans les prochains jours, comme le suggèrent nombre d’observateurs pressés? Plutôt aux alentours du 14 juillet, date inexacte mais symbolique de l’échéance des fameux „cent jours“? Ou encore à la rentrée, voire à la fin de l’année? Le sphinx de l’Elysée se tait et son entourage élude les questions. Mais chaque conseil des ministres est désormais guetté, étant entendu que le chef de l’Etat peut se prononcer à tout instant … ou attendre autant qu’il l’estimera nécessaire.
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