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Après le Sud, place au NordAprès Esch22 vient Esch23

Après le Sud, place au Nord / Après Esch22 vient Esch23
Marco Schank, bourgmestre d’Esch-sur-Sûre Foto: Editpress/Fabrizio Pizzolante

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Pour accompagner le retour du festival de marionnettes de Tadler, la commune d’Esch-sur-Sûre lance son année culturelle Esch2023 et créé l’association Esch(t)kultur pour la pérenniser. Toute ressemblance avec les initiatives passées d’une commune du même nom n’est pas due au hasard. 

En 1973, la volonté d’Esch-sur-Sûre de célébrer ses 1.200 ans d’existence avait fait grincer des dents. L’initiative reposait sur un document évoquant un don fait à l’abbaye d’Echternach venant d’une „Esch“ difficile à identifier, revendiqué également par les historiens locaux d’Esch-sur-Alzette. Les historiens du Nord avaient été jusqu’à avancer des arguments étymologiques, blessant l’ego de son homologue du Sud en avançant notamment que le surnom de „mauvaise Esch“ qui lui était collé signifiait qu’elle n’était pas la Esch originelle (voir à ce sujet l’article „La mauvaise réputation“ paru dans le Tageblatt du 31 mai 2022). L’historien local eschois Joseph Flies, par plusieurs articles, dont un consistant rédigé dans le numéro 3 de la revue Hémecht en 1974, avait défendu au contraire qu’il s’agissait d’Esch-sur-Alzette. 

C’est au nom du même document que la commune d’Esch-sur-Sûre, emmenée par son bourgmestre Marco Schank, avait imaginé en 2019 célébrer en grande pompe ses 1.250 ans d’existence et jouer à nouveau la carte de la subtilité sémantique. À Esch 2022 succèderait Esch 2023. L’idée était bonne. Mais, en cinquante ans, l’historiographie luxembourgeoise a beaucoup évolué et les trouvailles, parfois aveuglées par l’amour de leur région, faites par des historiens locaux, sont désormais souvent remises en cause par les universitaires. Et, renseignements pris par la commune, le document désignerait ni Esch-sur-Sûre, ni Esch-sur-Alzette, mais une Esch du Sud des Pays-Bas. Qu’à cela ne tienne. C’est finalement l’année 927 qui fera l’affaire, désormais considérée comme année du plus vieux témoignage écrit de l’existence d’Esch-sur-Sûre. C’est cette date qui intègre le logo (dont les analogies avec le logo d’Esch22 ne sont pas nécessairement dues au hasard). Esch23 est finalement la célébration d’un jubilé millénaire. Avec quatre ans d’avance pour les 1.100 ans de la commune ou 96 de retard pour les mille ans. Au choix. 

Retour à Tadler

Le retour du festival de marionnettes à Tadler fut l’élément déclencheur d’Esch 2023. Il en sera aussi le point culminant du 26 au 29 mai. Disparu des radars en 2018, après que les Rotondes ont jeté l’éponge, implorant le coût humain et technique d’une telle organisation, le festival est repris en charge sous la houlette de l’association Esch(t)kultur, financée par la commune et le ministère. Angélique D’Onghia, qui a œuvré aux Rotondes à sa coordination et sa programmation, en reprend la charge pour l’agence „Service for creatives“. 

Beaucoup de gens regrettaient la disparition de ce festival familial, centré sur les arts de la marionnette et le théâtre d’objets contemporains, qui se niche dans les granges, églises et autres scènes insolites dans un village charmant de cent âmes. „Ces deux dernières années, il s’est passé quelque chose d’incroyable. C’est un schéma exceptionnel, c’est en fait la première fois qu’un événement créé par des acteurs artistiques s’est vu rappeler par le ministère, la commune et les habitants pour que le festival reste ici et qu’on le montre“, se réjouit sa responsable, Angélique D’Onghia. „C’est la plus belle reconnaissance qu’on peut avoir.“ Le programme de la 9e édition de ce festival bisannuel initié en 2001 par MASKéNADA sera connu le 26 avril 2023.

Auparavant, l’année culturelle aura pris son envol à une époque où les fusées n’existaient pas. Le 13 mai, le professeur d’histoire à l’université du Luxembourg, Michel Margue, ouvre les festivités avec une conférence intitulée „Gouverner et vivre ensemble. Les gens et leur environnement à Esch-sur-Sûre au temps du Moyen-Âge“. Elle sera suivie d’un concert du groupe Nomad, qui propose un voyage musical à travers le monde. Le lien sera ainsi fait avec la „Fête des Cultures“ organisée le lendemain pour fêter la multiculturalité de la commune. Cette fête fut l’une des idées nées d’un processus participatif réunissant associations et habitants autour de la programmation. Un autre moment fort sera la „Nuit des Légendes“ (1er juillet), durant laquelle des danseurs, conteurs, musiciens et cracheurs de feu transformeront comme chaque année la ville et son château. Serge Tonnar clôturera par un concert cette soirée qui verra Melting Pol illuminer le pont de la commune.  

Une pièce de Claude Mangen

L’enfant du pays, auteur et actuel directeur du Mierscher Kulturhaus, Claude Mangen, est de la partie depuis le début de ces initiatives en 1993. En collaboration avec Serge Tonnar, deux ans avant qu’ils ne fondent ensemble la troupe théâtrale MASKéNADA, il avait monté sur une scène flottante sur le lac de la Haute-Sûre „Eng Summernight Story“, mixant William Shakespeare et l’auteur local Marcel Reuland. Cela avait initié une série de spectacles autour du lac, dont le dernier avatar est le Waterworld Festival (lequel sera dorénavant organisé en alternance avec le Festival des marionnettes).

Pour Esch23, Claude Mangen écrit une pièce de théâtre populaire dans la tradition de Max Goergen et Josy Imdahl. Ces deux auteurs, de la première moitié du XXe siècle, défendaient des valeurs conservatrices et furent beaucoup joués à la campagne dans les années 50 et 60. Claude Mangen traitera cette fois-ci des Trente glorieuses, à savoir des changements sociaux et des nouvelles libertés, apportés par cette période de croissance économique, comme des anxiétés créées par le monde moderne, symbolisé notamment par l’arrivée du barrage. Le titre de la pièce „Tëschtzwee“ désigne un entre-deux, „entre passé et avenir, entre extérieur et intérieur, partir et rester, mais aussi entre deux personnes ou une personne et la société“, explique Claude Mangen. Les personnages principaux sont trois jeunes amies aux caractères différents qui cherchent leur chemin dans les années 60-70. Elles sont inspirées des personnages Joffer Marie-Madelaine, Meedche vu Götzen et Schmattlisy. C’est un hommage „aux femmes artistes du quotidien“, qui sont restées au village. La pièce sera jouée en plein air à côté de l’église, avec des gens du crû (les 10, 12, 13, 14, 18 et 19 août 2023).

L’asbl. Esch(t)kultur a été créée aussi bien pour porter les projets d’Esch23 que pour promouvoir les initiatives culturelles et touristiques de la commune à l’avenir. Le nom de l’association a fait dire à la ministre de la Culture, Sam Tanson, présente lors de la présentation de cette année culturelle, que les Eschois avaient l’art du jeu de mots, en référence à l’asbl. FrEsch d’Esch-sur-Alzette. La ministre a dit n’être pas venue pour le marketing, qu’elle a trouvé „très drôle“, mais à la fois pour souligner l’importance de la pérennisation du Festival de marionnettes et l’exemple que peut constituer ce programme culturel concocté par une commune et agissant à plusieurs niveaux, social, culturel, populaire et historique.

2023 maquera le retour du Festival de marionnettes de Tandler
2023 maquera le retour du Festival de marionnettes de Tandler Photo : Archives Editpress