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Exposition à l’abbaye de NeimënsterPas le temps de faire un burn out

Exposition à l’abbaye de Neimënster / Pas le temps de faire un burn out
La tyrannie du paraître s’expose à Neimënster Photo: ccrn/ Rui Henriques

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Anne Simon et Nora Koenig s’en donnent à cœur joie pour détruire le mythe de la mère et femme parfaite. Sous les images trash générées par intelligence artificielle, une ribambelle d’aphorismes espiègles font sourire et réfléchir aux injonctions intenables auxquelles font face les mères actives aujourd’hui.

Anne Simon et Nora Koenig, toutes deux plutôt tournées vers l’écrit, expliquent qu’à l’origine, elles voulaient consacrer leur résidence à l’abbaye de Neimënster aux rapports entre le pouvoir et les femmes. Finalement, elles se sont tournées vers une restitution „plus visuelle que textuelle“ de leurs réflexions. Même si c’est le texte qui fait tout le sel de cette exposition baptisée ironiquement „We can have it all – Do fembots still have time for a burn-out?“

Il faut dire que les deux complices partagent une condition soumise à une forte pression sociale, celle de mamans quadragénaires bercées par l’idée qu’il serait possible d’allier une vie de mère épanouie à une carrière professionnelle réussie. L’illusion ne tenait manifestement pas tant aux discours rassurants sur la part prise par les hommes au sein de la famille. Les hommes ne sont pas visibles dans cette exposition – que la domination hante malgré tout. Ce sont plutôt les réseaux sociaux qui en créent l’illusion à travers les images surfaites qui y circulent et dont se rendent complices des femmes elles-mêmes. C’est à la fois la quête de la perfection et la chasse aux clics qui les poussent à se détacher le plus possible de la réalité quotidienne.

Y transparaît l’impression que les personnes sont „les marionnettistes de leurs vies plutôt que des pantins“. Or, sur ces images surfaites, on ne voit jamais trace de fatigue, de course contre-la-montre et de surmenage. „Je n’ai pas le temps de faire un burn out“, dit la formule cinglante qui résume à elle seule toutes les contradictions et le non-sens de ces injonctions. 

 Il ne faut pas en déduire que ce n’est pas possible de concilier les tâches de mère et de femme active. Mais ce n’est pas possible de le faire telle que les membres de réseaux sociaux le font croire, en dévoilant des bribes éthérées de leur quotidien. Si ce sont en fait des tranches de vie distinctes, mises bout à bout qui donnent l’illusion de l’existence de femmes pouvant parfaitement concilier les deux fonctions, ce sont aussi des bouts de vie et de femmes mises côte à côte dans cette exposition qui démontrent dans l’exposition l’horreur de ce postulat. Une revendication féministe revisitée résume cette nouvelle tyrannie du paraître: „My body, my rights, my filter“.

De la satire à la mise en garde

Nora Koenig et Anne Simon ont fait appel „à l’artiste visuel Alexa Boticella, aka A.I“, dont on peut douter de son existence, pour créer „une installation ironique d’autoportraits déformés et de représentations générées par intelligence artificielle pour illustrer l’illusion de ces super mamans d’Instagram à la vie parfaite.“ Il en ressort une flopée de photos trash gardant, vues de loin, l’esthétique de la perfection bien connue des réseaux, mais avec des personnes dont les traits, à y voir de plus près, flirtent avec l’abjection.

Les artifices des réseaux sociaux peuvent combler la vie. „Ton rêve narcissique et puérile est possible“, lit-on. Ils la saturent même, privant des moyens de réfléchir à sa propre situation. „Mat wéi engem Deel vu mengem vu Katzevideos, Make-up-Tutorials a Kichefeminismus-Memes iwwerfëllte Gehier soll ech dann nach Plaz hunn, d’Noriichten ze verschaffen?“  Il est question d’un manque de place, mais aussi d’un manque de temps, qu’il soit aussi bien dû aux tâches de mère qu’au temps passé sur les réseaux. „Ma grand-mère n’avait pas le droit de vote, ma mère n’avait pas la pilule. Moi, je n’ai pas le temps“, lit-on encore.

Les deux artistes dénoncent aussi le monde des marques et de la communication dans leur cynisme. Elles convoquent le philosophe canadien Marshall McLuhan, pour révéler que la compétition entre individus est la meilleure voie vers l’uniformisation. Les aphorismes oscillent entre la satire, l’observation et la mise en garde. Ils tracent aussi des issues de secours pour sortir de cet univers aseptisé. „Ne te sens pas agressée par des mères jeunes, rayonnantes, flexibles, elles aussi cuisinent uniquement à l’eau, filtrent avec des filtres et finissent par jeter à la poubelle la nourriture à côté de laquelle elles posent.“

Infos

Dans le cloître de l’abbaye de Neimënster. Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h jusqu’au 26 février. Entrée libre.