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ExpoPar-delà les frontières et les époques: Triple inauguration au Mudam

Expo / Par-delà les frontières et les époques: Triple inauguration au Mudam
L’œuvre de Kathia Saint-Hilaire à gauche (collection Mudam) en discussion avec un Fernand Léger de la Moderne Galerie de Sarrebruck

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La „Nuit des musées“ marque le lancement de nouvelles expositions. Le Mudam en a trois à proposer, dont un stimulant face-à-face entre sa collection et celle, plus ancienne, de la Moderne Galerie – Saarlandmuseum de Sarrebruck.

Pensé sous l’ère Enrico Lunghi (2009-17), bouclé sous la direction de Suzanne Cotter (2017-22), c’est finalement avec Bettina Steinbrügge aux commandes que le projet d’exposition „Face-à-Face“ est devenu réalité. La nouvelle directrice du Mudam n’a pas songé à renier l’esprit de dialogue véhiculé par le projet pensé en concertation avec le musée sarrois. Et elle s’inscrit aussi dans la continuité de sa prédécesseuse en présentant l’installation sonore de Tarek Atoui qui occupe désormais le grand hall comme le modèle d’une œuvre qui se sert du musée comme d’un lieu d’expérimentation (où l’on perçoit autrement le son que par les oreilles) et qui laisse libre cours aux performances dont le Mudam est en train de venir un repère. Elle loue également l’installation minimaliste (et quelque peu cryptique) de Sung Tieu qui résonne avec des thèmes d’actualité comme les migrations, comme elle voudrait que le Mudam le fasse encore plus souvent. 

Échanges instructifs

L’idée de „Face-à-Face“ (qui se tiendra jusqu’au 2 avril 2023) est de présenter côté à côte des œuvres du Moderne Galerie – Saarlandmuseum de Sarrebruck et du Mudam, aussi bien à Luxembourg qu’à Sarrebruck. Si le concept de faire dialoguer des œuvres n’est pas nouveau et fait désormais partie des pratiques muséologiques courantes, le sel de cette exposition se cache dans les différences d’âge entre les deux collections et ce qu’elles permettent de raconter sur l’histoire de l’art et les „considérations similaires“ que peuvent poursuivre des artistes à des époques différentes. La Moderne Galerie est une institution presque centenaire, dont la collection se concentre sur les avant-gardes artistiques française et allemande de la fin du 19e siècle et de la première moitié du 20e siècle, tandis qu’âgé d’à peine vingt ans, le Mudam a une collection qui s’intéresse davantage aux avants-gardes des trente dernières années. Les œuvres sélectionnées par le musée du Kirchberg offrent „un spectre élargi et diversifié de la création contemporaine, tant en termes de médiums – l’image en mouvement occupant par exemple une place significative –, que par la présence plus importante d’artistes femmes ou originaires de diverses parties du monde“.

Au Mudam, l’espace d’exposition est conçu sous la forme d’une constellation pour permettre au visiteur de tisser des liens entre les œuvres sur place, „de faire des rapprochements et des contre-points“, pour paraphraser la curatrice de l’exposition et non moins responsable de la collection. Les résonances d’une époque à l’autre, s’opèrent „parfois sur un plan formel, souvent autour de la démarche des artistes dont il ne faut pas oublier que, si leurs travaux se côtoient, ils émanent néanmoins de contextes artistiques et historiques différents“. Et cela n’est pas un stimulant seulement pour les visiteurs, mais aussi pour la recherche au sein même du musée. C’est l’occasion pour chaque institution – et surtout pour le Mudam – de reconsidérer ses pièces sous un nouveau jour. „Nous obtenons une nouvelle lecture des œuvres en les croisant“, explique Marie-Noëlle Farcy. 

„Un musée sert à espérer“

La galerie Ouest s’oriente autour du corps, sujet inépuisable pour les artistes. Au fond de la première salle, il est notamment question du corps en mouvement, de la danse. A l’arrière-plan de deux sculptures sur ce thème très prisé au début du siècle dernier – dont „La Danse“ d’Alexander Archipenko (1912-13) – se dresse le grand tableau „Groupe (Moving)“ de Silke Otto-Knapp acquis en 2020 par le Mudam. Plus loin, les aquarelles sur papier de Kathia St. Hilaire entrent en communication avec „La Baigneuse au tronc d’arbre“ (1930) de Fernand Léger.

D’ailleurs, la spécificité de la Sarre, qui se reflète dans la collection de la Moderne Gallerie, est un rapport particulier à la France et à sa vie intellectuelle. Nous sont donnés à voir des œuvres de Fernand Léger, Rodin, Henri Matisse et Auguste Renoir. Du côté des artistes allemands, on appréciera notamment le magnétique portrait „Mann im gelben Mantel“ peint par Josef Scharl, les deux dessins troublants tracés durant la Première guerre mondiale par Georg Grosz (dont „Emeute des fous“) ou encore „Cimetière juif sous la neige à Randegg“ (1935) d’Otto Dix. L’artiste Pascal Convert est tout honoré de voir sa „Pietà du Kosovo“ exposée en compagnie avec ces deux derniers artistes. Sa sculpture monumentale de cire n’avait plus été sortie de la collection du Mudam depuis 2008 et l’artiste n’a pas manqué de faire le déplacement pour inspecter les lieux et expliquer à la presse que son œuvre était inspirée de la photo de deuil prise par un confrère au Kosovo en 1990, au temps où „les images se souvenaient d’elles-mêmes“, où une photo n’était pas morte-née comme aujourd’hui, mais qu’elle captait quelque chose du temps qui passe. Tenant un discours qui aurait fait une très belle promotion pour la Nuit des musées, il a rappelé avec émotion que la question qui hante la vie de l’artiste est „comment être dans l’émotion face à la douleur des autres“. „L’art documente le réel, il parle de nous. Un musée sert à espérer“, a-t-il expliqué.

Ce sont plutôt des questions de métamorphose, de transformation de la matière, de phénomène optique ou
encore de perception de l’espace que posent les œuvres exposées dans la Galerie Est. La peinture surréaliste de Max Ernst „Ils sont restés trop longtemps dans la forêt“ figure aux côtés des photos d’Emily Bates de forêts tropicales japonaises où de vieilles femmes qui maintiennent des traditions chamaniques. Le cercle noir tracé au lance-flammes sur fond rouge qui constitue „Black Sun“ (1964) d’Otto Piene, membre du groupe Zero, en constitue un moment fort de ce parcours. La photographie subjective d’Otto Steinert, illustrée par „Grand Palais“ (1955), fait aussi partie des 80 œuvres qui sont ainsi à découvrir. 

Dans cette galerie aussi, on a l’opportunité de découvrir de nombreuses pièces de la collection du Mudam qui n’ont été que peu – voire jamais pour les acquisitions les plus récentes – présentées. Parmi ces nouveautés figure la vidéo „City“ de Mark Lewis, acquise en 2019, qui est une reconstitution d’un quartier de São Paolo aujourd’hui disparu. C’est une des nombreuses punchlines d’un dialogue très réussi.

„Group (Moving)“ de Silke Otto-Knapp
„Group (Moving)“ de Silke Otto-Knapp Photo: Evan Bedford | Courtesy Regen Projects, Los Angeles

„Nuit des musées“

La Nuit des musées se déroule aujourd’hui de 17 h à 1 h avec un programme très dense. Au Mudam, la musicienne Ziúr livrera la première performance autour de la passionnante œuvre sonore de Tarek Atoui, „Water Witness“ dans le grand hall (à 18 et 22 h). Y sont également proposés un atelier de création d’un dessin collectif à grande échelle et une „rave party queer“ (de 1 à 3 h).

Une visite théâtrale „Mansfeld um Tour“ et des visites guidées autour de la nouvelle exposition consacrée à Gast Michels sont proposées au MNHA. Le musée Dräi Eechelen offrira son cadre à trois performances musicales d’André Mergenthaler. Un duo de beat box Mars et Faya Bras officiera au naturmusée. La chorale „Sang a Klang“ au Lëtzebuerger City Museum et un DJ set à la Villa Vauban de Shania et Charlotte, duo de DJ nées au Luxembourg, font partie des nombreuses animations de la soirée.
Programme complet: http://museumsmile.lu