S’y ajoute pour l’été le temps hallucinatoire et majestueux d’une exposition à deux, celle des plasticiens Alain Bresson et Marie-Laure Hergibo. Travaillant de pair et compagnons de vie, leurs univers entrent en résonance dans un hymne à la fois poétique et humoristique à la vie. Cette élégie faite d’une nature intemporelle grimace parfois chez Alain Bresson, empruntant aux animaux la métaphore qui s’ajuste si bien à la société des hommes.
En entrant dans le parc, le regard est à la fois happé par une débauche de couleurs vives, un alignement de poissons aux gueules ouvertes, installation d’Alain Bresson, et par une plume immense, comme naturelle, peinte par Marie-Laure Hergibo sur une moustiquaire et semblant flotter dans les airs.
À la manière d’une fable
Deux temps, presque à l’opposé. Le séchoir à poissons d’Alain Bresson, installation intitulée „HLM (habitation linéaire médiocre)“ joue une partition forte sur le plan plastique. Chatoyants, ces poissons font penser aux écorchés de Soutine, par l’audace de la forme et la façon de nous y confronter dans l’espace, de manière frontale.
Couleurs vives et formes torturées. Les poissons ont la gueule ouverte et tordue des mauvais jours, celle d’une société à l’agonie, d’une médiocrité que transcende la couleur – couleurs pures qui s’ajustent aux arêtes vives des formes. Le fait qu’ils soient pendus par la queue leur donne l’allure sinistre de notre passivité d’humain.
Outre cette métaphore somme toute assez aisée, il faut approcher chacun des poissons pour admirer la force dans le corps, la découpe, la gueule. Ludiques, comiques, désespérés, ils sont alignés comme une palette de caractères, à la manière d’une fable.
Cette densité et ces couleurs côtoient l’œuvre aérienne de Marie-Laure Hergibo, ici une plume immense, presque naturaliste – et c’est ce qui fascine. Nous approchons et découvrons la subtilité et la grâce d’un travail sur moustiquaire, qui donne cet effet de plume suspendue, comme un rappel poétique et évanescent de notre temps.
Et c’est ainsi que dans le parc nous découvrons ce flottement à la fois comique ou élégant. Avec un côté surréaliste, à la manière d’un cadavre exquis. Ou encore un conte où tout serait possible, où les codes sauteraient avec beaucoup d’humour.
À partir de mousse, de bois, de terre cuite, les installations, qu’Alain Bresson place également en pleine forêt, l’artiste crée une œuvre à la fois loufoque et envisageable. „Cheval apprenant à voler à des poissons“, tout est déjà dit dans l’intitulé.
Le rêve et l’art de cette œuvre insolite nous mènent aux confins de la raison, où, la délaissant enfin, tous les possibles nous sont proposés. Beaucoup d’humour et de grâce dans ce pari esthétique qui fait surgir des êtres insoupçonnés, à la fois flottants et d’une densité impressionnante, paradoxale. Leur présence tient d’un surgissement inédit.
Une nature qui nous observe
En continuant la visite dans les salles, nous découvrons là aussi, d’une autre manière, le surgissement d’animaux, ceux de Marie-Laure Hergibo. Un poisson, un singe, sont des apparitions, comme révélées du fond du temps.
Happées, saisies, ces présences sur de la tôle rouillée de grandes dimensions agissent comme un abécédaire, un archivage de la nature et de ses occupants. Une nature ineffable qui nous inspire et dont il faut prendre soin, une nature qui nous observe.
Une libellule, comme fossilisée, magnifique travail, est là comme un repère fragile de notre temps. Les plumes sont également de la partie, toujours immenses, en suspens, tandis que des pigeons paradent en file indienne, leur chemin parsemé de billes de verre.
Ils font partie d’une installation, „Rêve d’enfance“, où la blancheur est maîtresse, rêve de pureté, où un cintre suspendu avec son gilet blanc se poursuit à la manière d’un mannequin, par un ventre métallique portant un oiseau blanc. Ce côté diaphane, là aussi rêvé, se retrouve dans les dessins d’oiseaux, par exemple, ramenés à l’essentiel de la ligne. Ils sont contrebalancés par les chats en terre cuite d’Alain Bresson, magnifiques de densité et d’expression, saisis dans leur essence, dans une simplification de la pose. Présences d’une force particulière.
Cette visite est comme les fables ou les contes, on en ressort à la fois rêveurs, méditatifs, avec l’impression qu’habiter un autre monde est à notre portée. Cela fait un bien fou.
Info
Marie-Laure Hergibo, Alain Bresson, De plumes et de mousse
Jusqu’au 31 octobre 2022
Centre régional d’art contemporain
Château du Tremblay
Fontenoy
89528 Fontenoy
https://crac-fontenoy.fr
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